La langue mère, de Frédéric Le Guyader

Un BIB récent nous avait offert un poème de Frédéric Le Guyader, intitulé « Les Aieux ». Extrait du même ouvrage, « L'ère bretonne », (1896), qui fut couronnée l'année suivante par l'Académie Française, voici un autre poème, « La langue mère ».

Frédéric Le Guyader parlait breton, mais écrivait en français. Cependant quel bel hommage à sa langue maternelle!

Pour ceux qui le souhaitent, j'ai joint quelques notes explicatives du texte.

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Est-elle éclose avec la Genèse chrétienne,
Notre langue? L'Eden, paradis de Milton,
Nous est témoin qu'Adam parlait le pur breton,
Aux pieds d'Eve chantant son amoureuse antienne.

Et ne touchons-nous pas à la Langue indienne
Par le sanscrit, qui n'est que notre rejeton ?
Mais c'est peu de Moïse et de Vichnou. Sait-on
Que le breton remonte à l'aurore païenne?

Saturne, le mangeur de Dieux, fils d'Uranus,
Avant de partager le trône de Janus,
Dans l'île d'Ouessant vécut en taciturne.

Oui, le père des Dieux séjourna dans l'Armor.
Et tout le monde sait qu'au temps de l'Age d'or,
On parlait le breton à la cour de Saturne.

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Notes:

Milton était un poète anglais (1608-1674) célèbre pour ses poèmes épiques , influencé par la Bible. Son chef d'oeuvre est d'ailleurs intitulé le Paradis perdu. , qui fut traduit par Chateaubriand et marqua profondément le mouvement romantique.C'est dans cette oeuvre que Satan, chassé du Paradis, s'écrie: « Mieux vaut règner en Enfer que servir au Paradis! »

Le Guyader fait remarquer que la thèse d'Adam parlant le pur breton est de La Tour d'Auvergne.

Saturne, père des dieux, dévorait ses enfants à leur naissance pour éviter la prédiction selon laquelle il serait détrôné par l'un d'entre eux. Jupiter échappera à ce sort grâce à sa mère qui fit avaler à son mari une pierre enveloppée dans des langes. Et la prédiction se réalisa...

Saturne, chassé du ciel, se refugia en Italie où il fut accueilli par Janus qui l'associa à son trône. En reconnaissance, Saturne lui donna le don de rendre toujours présent le passé et l'avenir à ses yeux (d'où sa représentation de dieu aux deux visages)

L'âge d'or est celui qui suit la création de l'homme alors que Saturne règne dans les Cieux: la Terre jouit d'un printemps perpétuel, la nature se reproduisant elle-même, les hommes étant quasi-éternels ou mourant sans maladie ni souffrance. « Que l'homme était heureux sous Saturne! »

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Après avoir vécu à Brasparts, Frédéric Le Guyader fut étudiant à Rennes où il fit représenter ses deux premières pièces de théâtre, "Le Roi s'ennuie" et "Le masque de la mort rouge" (inspiré d'Edouard Poe). Revenu en Cornouaille, il fut nommé conservateur de la Bibliothèque municipale de Quimper.
Membre de l'institut de Bretagne, auteur de nombreux livres de poésie (La duchesse Anne, Du Guesclin, La bataille de Carnac, La chanson du cidre, La Bible, Princesses tragiques et grandes amoureuses), son maître ouvrage reste l'Ere bretonne.
Un critique disait de lui, qu'il avait fait "connaître, mieux que tout autre, une Bretagne lumineuse et gaie".
Ami de Louis Tiercelin avec qui il débuta en littérature, il est cité dans l'anthologie des Bardes et Poètes nationaux de la Bretagne Armoricaine de Camille Le Mercier d'Erm, et fait l'objet d'un chapitre de L'âme bretonne de Charles Le Goffic. Son choix de n'être édité qu'en Bretagne ne lui a vraisemblablement pas permis d'atteindre à une renommée plus vaste...
Dans "L'ère bretonne", il consacre un second poème à la "Gloire de la langue celtique".
Frédéric Le Guyader est inhumé à Kerfeunteun.