Jean Marie Le Golias de Bosgrand est né à Botquest en Brasparts, -“ce bourg sauvage” nous dit la “Revue historique de l'Ouest” -, le 17 novembre 1738, fils de Yves et de Louise Rose Cozic. Il est issu d'une famille de notaires royaux, demeurant à Brasparts depuis au moins le début du XVIIème siècle. On peut résumer très simplement son ascendance:
Yves Golias, notaire royal à Brasparts, x Françoise Golias, dont:
.....Jacques Golias, notaire royal (Brasparts1630-Brasparts1674), x Constance Colin (Brasparts1629- avant 1670), dont:
..........Martin Le Golias, notaire royal (Brasparts 1672- Brasparts 1717) x Françoise Cornec (Brasparts 1674-Brasparts 1742) dont:
...............Yves Le Golias, notaire royal (Brasparts1700-Brasparts 1751) x Louise Rose Cozic (Châteaulin 1702-Châteaulin 1746), dont:
.................... Jean Marie Le Golias
Avocat à la Cour, ce qui le situe parmi la classe moyenne, sans grand espoir d'accéder aux institutions supérieures, faute d'appartenir aux ordres supérieurs de la société, il épouse à Châteaulin le 25 novembre 1765 Anne Renée de Cosmao, fille d'un greffier qui deviendra notaire et procureur du Roi, - dont il aura 16 enfants (tous nés à Châteaulin).
Ce mariage correspond bien au constat des historiens selon lesquels les « officiers moyens, arrivés au sommet de la juridiction ordinaire et ayant constaté que les portes du Parlement de Bretagne leur était fermées, ont investi la place publique locale en établissant de véritables plans de carrière et d'alliances, leur permettant d'atteindre le plus haut point de la reconnaissance sociale ».
Le 17 avril 1782, il est pourvu de la charge de notaire royal résidant à Châteaulin.L'aboutissement de la carrière de Jean Marie Le Golias est sa nomination au poste de sénéchal en 1784 - ce qui en fait un premier juge de « robbe longue » et surtout lui donne les attributions d'un lieutenant général dans les autres provinces: président de la juridiction royale, député de droit aux États Généraux et aux États de Bretagne, président de l'assemblée de la communauté de ville.
Le 10 avril 1789, il est élu par les 28 électeurs du Tiers État député des sénéchaussées réunies de Carhaix, Châteaulin, Châteauneuf du Faou, Gourin et Quimperlé aux États-Généraux où il siège « silencieusement » à Versailles et à Paris, accompagné de Billette de Villeroche, négociant de Quimperlé.
Au procès-verbal de l'assemblée de réduction de Carhaix, appelée ainsi du fait qu'elle était chargée de condenser en un seul cahier les doléances de l'ensemble des cinq sénéchaussées, on peut lire, à la date du 5 avril: « MM. Les commissaires nommés pour la réunion des cahiers des charges des cinq sénéchaussées en un seul cahier ont donné lecture de leur opération, » et plus loin, « MM. Le Golias et Billette ont été ressaisis tant d'un double des charges que des cahiers particuliers des cinq sénéchaussées, et d'un double de notre présent procès-verbal. » (Archives Nationales, C.17). Notons que les cahiers de doléances de Châteaulin sont, parmi d'autres, manquants pour la Bretagne.
Les publications satiriques du temps se moquèrent parfois de ces députés bretons « silencieux » dont la plupart ne montaient jamais à la tribune et ne discouraient pas: en fait, ils votaient en bloc, après avoir arrêté la veille lors de réunions du fameux club breton des résolutions fidèlement observées.
L'autorité des députés bretons fut d'ailleurs reconnue avec l'élection de Le Chapelier à la présidence de l'assemblée le 4 août 1789. Cette belle entente ne durera pas: le désaccord des députés sur le droit de veto royal entraîna la fin du club breton à Versailles. La tentative de le recréer à Paris fut un échoua et les députés bretons se retrouvèrent fondus dans la masse des autres députés. Le titre de « club breton » fut d'ailleurs changé en « comité de la Révolution » puis en « Club des Jacobins ».
Jean Marie Le Golias a donc participé à la mort de la province de Bretagne, mais aussi à l'érection des communes, à la division de la France en départements, à la constitution civile du Clergé, à la mise en place de pouvoirs étendus aux administrations départementales dont les délibérations étaient exécutoires de plein droit lorsqu'elles ne violaient aucune disposition légale...
Le portrait que l'on possède de lui (gravé par Le Tellier, d'après Perrin, dans la collection Dejabin, et extrait de l'ouvrage de René Kerviler) date de cette époque.
Après le « suicide » de l'Assemblée Nationale le 16 mai 1791 (les députés s'étaient interdits de se représenter aux élections de la nouvelle assemblée), Jean Marie le Golias est élu juge au tribunal de district de Châteaulin (septembre 1791), mais donne sa démission deux mois plus tard.
Élu administrateur du directoire du district en décembre 1792, il occupe ces fonctions jusqu'à l'an V, et participe à la préservation de sa contrée des violences de la grande terreur, en application des décisions des administrateurs du Finistère dont on connait la fin tragique. Si le registre de cette administration conservé aux archives départementales ne nous apprend pas grand-chose sur les évènements auquel il a pris part, - ce registre ne contient que les procès-verbaux de 4 séances de l'an III et d'une seule en l'an IV, en quelques lignes – nous savons par les registres de délibération de la commune de Brasparts qu'il est régulièrement désigné par le directoire du département pour traiter et régler les différents problèmes liés à Brasparts.
C'est ainsi qu'il servira d'intermédiaire entre la commune et le directoire du département lors de l'affaire de l'installation du recteur assermenté à Brasparts. Lorsque la municipalité modérée sera suspendue et remplacée par un conseil provisoire, il interviendra de nouveau et participera à la protection et à la remise en liberté des braspartiates incarcérés à Châteaulin.
En 1794, il sera élu maire de Châteaulin avant la suppression de cette fonction.
Ayant approuvé le coup d'état du 18 Brumaire, il est nommé sous-préfet de Châteaulin le 22 germinal an VIII par le premier consul, lors de l'établissement des sous-préfectures; il meurt à son poste huit mois après, le 29 frimaire an IX.
De ses seize enfants,
- sept moururent en bas âge: Jacques (1767), Marie Jacquette (1768-1774), Marie Rose (1770), Marie Rose (1774-1784), Louis Marie (1776-1777), un enfant anonyme (1779), Marie Jeanne Nicole (1787-1788) ;
- trois d'entre eux furent officiers de marine: Désiré Guillaume (1773-1808), Julien (1775-1815), et Armand (1782-1810), lequel fut aspirant de marine en l'an VII, chevalier de la Légion d'Honneur en l'an XII, lieutenant de vaisseau et commandant du brick « Le Curieux » qui participera à l'expédition d'Haïti en 1802, et terminera capitaine de vaisseau;
- Jean François (1769-1810) fut capitaine et chevalier de la Légion d'Honneur en l'an XII, commandant d'une compagnie de bombardiers à Brest puis Toulon, où il décéda le 12 décembre 1810;
- Michel Louis (1766-1820) fut receveur d'enregistrement des domaines;
- François Corentin (1771-1818) fut notaire à Châteaulin;
une fille, Marie Cécile, née en 1778, épousa un chirurgien de Châteaulin, François Le Clerc;
J'ignore ce que sont devenus Jean Louis René (né en 1780) et Augustin Vincent Marie (né en 1783)...
Sources:
Cahiers de délibérations de la commune de Brasparts
Armand du Chatellier, « Histoire de la Révolution en Bretagne, 1836, Morvran, 1977
M. Le Guillou-Penanros, « L'administration du Finistère de 1790 à 1794 », Brest, 1878
René Kerviler, « Cent ans de représentation bretonne », Librairie académique Didier, 1887
Revue historique de l'Ouest, “Recherches et notices sur les députés de bretagne aux Etats-Généraux”
René Kerviler, « La Bretagne pendant la Révolution », Société des Bibliophiles Bretons, 1912
A.Robert et G.Cougny, « Dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 »
Jean François Robinet, « Dictionnaire historique et biographique de la Révolution et de l'Empire », volume 2
Séverine Debordes-Lissilour, « Les sénéchaussées royales de Bretagne », Presses Universitaires de Rennes, 2006