Sur la route venant du Faou et à peu de distance de Brasparts, se dresse un menhir, Roc'h Braz, « la grande roche ».Tout auprès s'ouvre encore un vieux chemin, dans lequel vient s'épandre un petit ruisseau. Ce chemin, qui part de l'église, était en fait l'ancienne route du Faou, et cheminait par Roc'h Braz , Botquest, Rugornou, Croix Saint Sébastien. C'était là la route quotidienne de saint Tujan qui vivait à Kerbraz...
Au pied du menhir, sous la route actuelle du Faou, dans ce qui était autrefois une lande caillouteuse, toute embroussaillée, se trouve, dit-on, un trésor... Certaines nuit, l'on entendait les pièces s'entrechoquer et l'on racontait que ce trésor était gardé par quelques korrils, ces korrigans qui habitent les landes et qui passent leurs nuits à danser des rondes au clair de lune... Des "fées d'eau" erraient tout autour, sans bruit, et toujours deux par deux...
Au temps dont je parle, les korrils étaient encore assez nombreux, et, la nuit venue, bien peu de gens osaient s'aventurer près du Roc'h Braz...Etre entraîné dans la ronde infernale jusqu'au chant du coq n'était pas pour rassurer les braspartiates. Sans compter, qu'en contre-bas, il y avait un lavoir que les commères disaient occupé, les nuits de novembre, par les “kannérez-noz”, ces terribles lavandières de la nuit qui battaient leurs draps mortuaires en chantant le bien triste refrain: “Jusqu'à ce qu'il ne vienne chrétien sauveur, Il nous faut blanchir notre linceul, Sous la neige et le vent...”
Trois hommes de la paroisse, forts et courageux car bons Cornouaillais, avaient, comme beaucoup d'autres, entendu parler de ce trésor. Ils se nommaient Fañch, Lannig et Yvon. Un soir de novembre, quelque peu éméchés par le bon cidre de François Le Meur, ils s'enhardirent et décidèrent de savoir... « Laisse aller... c'est un conte pour les enfants. » « Essayons toujours! »
Et rendez-vous fut pris pour le lendemain soir.
Et voilà nos compères attendant la nuit, faisant le tour des cabarets et auberges du bourg, fort nombreux à cette époque, et vidant bolée sur bolée. L'horloge de l'église sonnant onze heures, les trois amis se décidèrent, partirent récupérer qui une pioche, qui une pelle et se retrouvèrent au pied du menhir...
La terre étant meuble, les travaux furent d'abord aisés... Et puis l'on tomba sur des pierres, et nos trois lascars s'encourageaient... Lors d'une courte pause, ils découvrirent qu'un petit homme s'était assis non loin de Roc'h Braz et les contemplaient... « Bonsoir, les amis, vous voilà bien en peine. Que cherchez-vous à pareille heure? ».
Nul ne répondit, tant les trois étaient occupés à besogner. Et le petit homme riait.... « Peut-être est-ce bonne fortune que vous cherchez? Creusez, mes amis, creusez! Voilà un tintement qui devrait vous plaire... ». A cet instant, les compères entendirent résonner sous leur pelles et leur pioche un tintement métallique: un coffre apparut rapidement. Et le petit homme riait, riait. « Courage! Dégagez-le ! Vous y êtes ». Pourtant, nos amis avaient beau s'escrimer autour du coffre, celui-ci semblait s'enfoncer dans la terre à chaque pelletée, tout en émettant un son pareil à celui de pièces qui s'entrechoquent...
Et le petit homme n'était plus seul. Toute une troupe de nains entourait les trois compères et commencaient leur ronde: - dilun, dimeurz, dimerc'her... Fañch, épuisé par le labeur, venait à son tour de faire une pause: il fut saisi par les poignets, et entraîné par les korrils au milieu de la lande...
Quant à Lannig et Yvon, ils oeuvraient sans cesse, rêvant au trésor enfoui. Un trésor qui s'enfonçait toujours... Soudain, la caisse sembla tomber dans un puits d'une profondeur incroyable, faisant tinter l'or si convoité une dernière fois: tout disparut dans des gerbes de feu....
Le lendemain, le bedeau de Brasparts, homme sage et pieux, qui logeait à Keraniliz, à l'entrée même du chemin qui mène à Roc'h Braz, et faisait sa promenade quotidienne, retrouva deux corps calcinés au pied de Roc'h Braz. Quant à Fañch, on le retrouva plus tard, au milieu de la lande , pas très loin de Tuchennou.
Certains disent que le bedeau les revit un jour tous les trois dans le cimetière de Brasparts, près du tombeau de Fañch et qu'ils le prièrent de faire célébrer une messe pour leur âme... Le recteur décida de christianiser les lieux et une statue de la Vierge fut installée au sein même du rocher.
On n'entendit plus jamais parler du trésor de Roc'h Braz, des korrigans et des lavandières de la nuit, du moins en ces lieux...
(d'après un récit de Marianne Lucas, fille de Louis, sabotier à Brasparts)