L'antique paroisse de Brasparts (Bratberth) fut fondée au Vième siècle sous Clovis. Selon Albert le Grand, vers l'an 520, Judulus, abbé de Landévennec, soucieux de nommer un recteur à Brasparts, paroisse réputée païenne, envoya JAOUA, neveu de St Pol Aurélien (St Pol de Léon).
En 1698, le recteur de Brasparts, qui venait de prendre sa charge, entreprend un voyage à Plouyen "pour la recherche des reliques de St Jaoua qui avait été recteur de Braspars". Nous ne connaissons pas le résultat de ce voyage, mais le fait est relaté dans le compte de la fabrique Saint Tujan par le marguillier de l'époque, Christophe Le Quiniou. Ce n'est que deux siècles plus tard que Brasparts recevra en grande pompe les saintes reliques...
Que savons-nous de notre premier recteur?
1.
JeunesseLa mère de Saint Jaoua était une soeur de Saint Pol Aurélien; on le croit né tout à la fin du Vème siècle en Bretagne insulaire ou en Irlande. C'est à son oncle que fut confiée l'éducation de Jaoua, qui reçut un acceil particulièrement chaleureux. Jaoua, enfant précoce et doué, “employa si bien le temps, que, dans peu d'années, il devint parfait Philosophe et bon Théologien”.
Sa formation achevée, il revint dans son pays, où son père, cherchant à l'installer dans le monde, lui offrit un train de vie en conséquence. Jaoua, “prévenu de l'Amour de Dieu”, lui tut sa résolution de se donner au Christ. Ayant appris que son oncle Pol, venu en Armorique, avait débarqué à Ouessant, Jaoua “résolut aussitôt de se transporter vers luy et de quitter son pays et ses parents”: il affrète un bateau, s'embarque secrètement et fait voile vers la petite Bretagne.
2.
L'engagement religieuxLa tempête le poussa jusqu'au fond de la rade de Brest, à l'entrée de l'estuaire du Faou. Il y rencontre Judulus, abbé du monastère de Landévennec où il le suit; attiré par la vie des moines, il demande à son hôte de l'intégrer dans la communauté..
Pol, devenu évêque, le prend avec lui et lui confére les ordres. Avant de le renvoyer à Landévennec. Judulus le chargea d'aller évangéliser le pays de Brasparts, où subsistaient des restes de paganisme. Jaoua accepte par devoir d'obéissance et Judulus décide de l'accompagner avec un autre moine, Tadec.
Dom Lobineau nous dit que Jaoua trouva à Brasparts “beaucoup de difficultez, à raison que les Paroissiens, mal-instruits et peu catéchisez, se rendoient difficiles à gouverner”: Jaoua, patient avec les uns, violent parfois avec les autres, les prêchait, les enseignait, les catéchisait, soucieux de les évangéliser, de leur montrer la voie du Seigneur.
“Il y avait, parmi la Cornouaille, plusieurs qui se ressentaient encore des superstitions des Païens; saint Jaoua fit tant qu'il les réduisit au vrai et droit chemin de salut”
3.
Le meurtre de Tadec et JudulusPendant ce temps, Judulus et Tadec poursuivent leur mission d'évangélisation du pays du Faou;le seigneur du Faou accumulait les rancoeurs contre ces saints hommes, ressentant les conversions à la foi chrétienne comme un affront personnel.
Apprenant qu'une assemblée des abbés de Cornouaille devait se tenir à proximité de ses terres, il rassemble ses hommes, se précipite au dit lieu de réunion (Daoulas), enfonce les portes de l'église, massacre Tadec qui célébrait la messe et nombre de moines présents; il rejoint ensuite Judulus qui avait réussi à s'enfuir et lui tranche la tête; seul Jaoua parvint à s'échapper...
C'est dans la première église de Brasparts que Jaoua célèbre les funérailles de ses amis. Les reliques de Judulus et Tadec auraient été inhumés dans l'autel, comme cela était de tradition...
4.
La punition divineDieu ne laissa pas le crime impuni: tout le pays du Faou fut terrorisé par un animal monstrueux, tant et si bien que la population finit par faire appel à Saint Pol.
Pol se mit en chemin, parvint à dompter l'animal, qu'il amena, encordé, jusqu'à l'île de Batz pour en débarrasser le pays. Mieux! Il convertit le chef, le baptisa, lui demanda de fonder, en réparation, un monastère à l'endroit du meurtre, d'où le nom de “Daoulaz”, le double meurtre, qui resta à cette abbaye: ce fut Jaoua qui en fut le premier abbé tout en conservant sa recteurie de Brasparts.
Jaoua avait appris la venue de son oncle et s'était porté à sa rencontre près du Faou: “saint Pol, s'apercevant que Jaoua et ses compagnons avaient grand soif, se mit en prières, en fit faire autant à tous puis commanda à saint Jaoua de frapper la terre de son bourdon, en certain endroit qu'il lui montra. Il en jaillit une belle source dot ils étanchèrent leur soif”.
5.
Jaoua quitte Brasparts et Daoulas pour rejoindre Pol.
Le diable, nous raconte Albert le Grand, jaloux de la notoriété croissante de Jaoua, suscita de méchants garnements pour l'importuner sans cesse dans sa vie quotidienne: notre saint abbé, « ne trouvant ny repos ny patience », épuisé par des nuits sans sommeil, par la méchanceté gratuite de ces mauvais garçons, finit par résilier son poste et le confia à Tusveanus, fils d”un puissant seigneur de Cornouaille, et cousin du seigneur du Faou. Tusveanus devint sans doute Tusan puis Tujan.
Il devint alors abbé de l'abbaye de Daoulas qu'il quitta au bout de quelques années, en confiant la direction à Tugen, pour répondre à son oncle qui se sentait vieillir et avait besoin d'aide. Il l'assista deux ans. Pol, alors, démissionna; et ce fut Jaoua qui prit sa succession au siège de Léon.
6.
Retour à Brasparts et mort de JaouaQuelques années plus tard, une famine s'étant déclarée dans le pays du Faou, les gens, qui s'étaient montrés assez durs pour Jaoua, y virent un châtiment divin et lui demandèrent secours. Pardonnant à ses anciens persécuteurs, il vint sur place et ses prières obtinrent la fin du fléau: “la terre commença à reverdir et à pousser fleurs et fruits à foison”.
Revenu à Brasparts pour passer un moment parmi ses anciens paroissiens, Jaoua sentit que sa fin approchait. « Dieu le voulant enfin récompenser des longs travaux qu'il avait glorieusement surmontés pour sa gloire permit qu'une forte fièvre le surprit en son presbytère de Brasparts, qui l'affaiblit grandement et qui peu après le coucha au lit de la mort. »
Son oncle, averti en songe de la maladie de Jaoua, en avisa saint Kenan, recteur de Plouguerneau qui vint l'assister dans ses derniers instants. Jaoua trépassa le 2 mars 554, non sans avoir reçu les sacrements, donné bénédiction à ceux qui l'assistaient, recommandé que l'on mit son corps sur un brancard neuf, et qu'on l'enterre là où les bêtes qui le portaient s'arrêteraient.
Suivant le désir exprimé, son corps fut mis sur un chariot et on laissa aller les boeufs jusqu'à rupture de l'attelage.
C'est à cet endroit, nommé Porz ar C'hroaz qu'il fut enterré, à deux pas de Plouvien. On y éleva un tombeau, et autour du tombeau, une chapelle. Une nouvelle chapelle, très belle, remplaça la première en 1567.
7
Les reliques de saint Jaoua.
En 1897, à la demande du curé de Saint Pol, en présence de dignitaires ou de représentants de l'évêché (dont l'abbé Abgrall), des fouilles furent entreprises dans la chapelle; le sarcophage de pierre fut retrouvé, contenant toujours quelques ossements de Jaoua. Des reliques, avec des garanties d'authenticité, furent remises à Brasparts, à Saint Pol, à Plouvien et à l'évêché; le reste fut redéposé dans le tombeau.
Le 6 mars 1898, une cérémonie dut célébrée en l'honneur des reliques de saint Jaoua. « La cérémonie était présidée par deux anciens recteurs de la paroisse: M. le chanoine Guillauma, curé de Taulé, qui chanta la messe, et M. Duclos, aumônier des Ursulines de Morlaix qui, dans un beau panégyrique, religieusement écouté, montra ce que fut saint Jaoua, comme moine, pasteur et évêque.
L'assistance, considérable dès le matin, était, le soir, augmentée par toute la population des paroisse avoisinantes, accourue pour assister à la procession solennelle. .. Précédée d'un nombreux cortège, ..., la sainte relique, portée par quatre prêtres en chasuble, a parcouru les rues du bourg, avant de prendre, à l'église paroissiale, la place d'honneur qui lui est réservée. » (in « La Semaine Religieuse de Quimper et Léon », 1898, n°11, p170)
Parmi les nombreux dons du vicomte René de Kerret, bienfaiteur de Brasparts, les visiteurs de notre église peuvent encore admirer le beau reliquaire qui contint les reliques du saint.
Si saint Jaoua, n'est plus aujourd'hui le saint titulaire de Brasparts, il y fut toujours honoré. Il y eut autrefois deux tableaux dans la chapelle Sainte Anne; sur l'un d'entre eux était écrit « ST IOVA RECTEVR DE BRASPART et PREMIER ABBE DE DAOVLAS ». Sur le premier, le saint était vêtu en prêtre, sur le second en évêque. J'ignore ce qu'ils sont devenus...
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Sources:
Albert le Grand, “La vie des saints de la Bretagne Armorique” (réédition de 1837)
dom Gui-Alexis Lobineau, “Les vies des saints de la Bretagne” (1724)
Joseph Chardronnet, “Le livre d'or des saints de Bretagne”, Armor-éditeur, 1977)
Carnet du recteur Nicolas Bourvon, « Vie de Saint Jaoua » (archives diocésaines)
Chevalier de Fréminville, Antiquités de la Bretagne
Yann-Vari Perrot, “Buez ar Zent”, Montroulez, 1911
an aotrou Madigo, “Buhez Sant Jaoua”, (1927)
Sant Jaoua, escop, in « Buhez ar Zent » (An eil devez a viz meurz) (1914)
Marguerite Le Roux, “La chapelle Saint Jaoua”, notice(2006, association Bual Sant Jaoua)