Nous avons tous appris que la LOIRE prend sa source au pied du MONT GERBIER DE JONC dans l’ ARDECHE mais connaissons nous exactement le lieu précis ou nait notre belle rivière, celle qui arrose BRASPARTS , PLEYBEN,LOPEREC, SAINT SEGAL, PONT DE BUIS avant de se jeter dans l’ AULNE MARITIME à la « pointe du couple » entre St SEGAL et PONT DE BUIS
LA DOUFFINE , comme toutes les rivières , est le produit de la convergence des divers cours d’ eau d’un bassin versant mais celui qui nous intéresse nait de la source géographiquement la plus élevée à une altitude de 265 mètres situé près de TY BLEIZ ,au nord ouest de la parcelle cadastrée n° 437, section AE et ,à ce titre, est nommé : «rivière DOUFFINE » sur la carte IGN
Prenons la route qui mène de BRASPARTS à BRENNILIS ,500 mètres après le village du MOËNNEC, à gauche dans le virage : une sapinière, c’est ici que LA DOUFFINE passe discrètement sous la chaussée, d’ ailleurs les automobilistes ne voient ni rivière ni pont, un très vieux et modeste pont constitué de deux travées de pierres maçonnées :
Progressons vers le nord dans la sapinière, le lit de la rivière commence déjà à se creuser, nous rencontrons un pêcheur avec ses 3 enfants, --- leur première impression ? --- il n’ y a pas beaucoup d’eau ! (ce printemps 2011 est très sec) Mais les enfants sont heureux, on peut marcher dans l’eau !!
Une première énigme : à quoi servait cette tranchée d’une cinquantaine de mètres parallèle à la rivière ? C’est une dérivation amorcée par quelques pierres posées dans le lit de la DOUFFINE, vraisemblablement pour abreuver les troupeaux car les rives, bien trop abruptes, étaient inaccessibles aux animaux, ou autre hypothèse, pour alimenter en eau un lavoir.
Sur la rive opposée, quelques murs délabrés : les ruines de MEILH AN AOD, pourquoi cette appellation ? AOD en langue bretonne, c’est le rivage, mais aussi une hauteur ou un col,
Nous entendons le murmure d’une cascade et voila notre paisible rivière qui devient torrent, une passerelle rénovée permet d’accéder à à la rive gauche et au moulin
Progressons par le sentier à notre gauche et nous allons comprendre le sens de cette appellation « AOD » car devant nous se profile ce fameux « COL DU NOD » : à droite une lande d’ajoncs, d’herbes sèches et parsemée de blocs rocheux.
Et à gauche les premiers éperons rocheux dominants les sapins de leur masse sombre
Une falaise abrupte avec des blocs qui semblent prêts à s’effondrer
c’ est bien cela :une transcription de l’ appellation bretonne primitive «AN AOD » en « NOD » par les différents cartographes qui se sont succédés depuis CESAR FRANCOIS CASSINI auteur de la première carte de France au 18ème siècle et donc MEILH AN AOD est bien :le « moulin du col », à noter qu’ à PLEYBEN et LOTHEY ,on retrouve les lieux dits PENNAOD sur les hauteurs de deux autres cols, dominants, pour l’ un LA DOUFFINE et pour l’ autre L’ AULNE canalisée
Les CASSINI ( père et fils) ont souvent traduits en français les noms bretons de nos lieux-dits ,ainsi KERNEVEZ était devenu : « LA VILLE NEUVE » et depuis ,leurs successeurs ont poursuivi dans cette voie baptisant nos rues et nos hameaux de noms fantaisistes ou même la phonétique n’ a pas été respectée ,ainsi ,entre autres, KROAZ HENT est devenu « CROISSANT » , TI BLEIZ : « TY BLAISE » , KARR HENT : « CARN » et RUNIOÙ : « ROGNON »
Il faut absolument grimper là haut, un tel site mérite une visite plus approfondie et le paysage est surement magnifique, escaladons entre les arbres, effectivement ça monte, une petite pause et on repart, nous voici au sommet, altitude 280 mètres
Nous dominons les sapins et la vallée, à l’est on aperçoit la ligne bleue des montagnes noires au-delà du bois de BODRIEC et du bourg de LANNEDERN
Quelques jeunes sapins ont germés entre les rochers et tentent d’y survivre
Pour redescendre sans risque de se fouler une cheville prenons le sentier qui serpente dans la sapinière et nous retrouvons notre DOUFFINE dont le cours se rétrécit toujours plus, voici cette cascade immortalisée par FRANCOIS JONCOUR sur une de ses cartes postales du début du 20ème siècle
Nous arrivons à un petit pont constitué de quelques buses en ciment qui permet d’ accéder à la rive opposée
Un petit tour entre les sapins nous permet de découvrir les myrtilles en fleurs
Et aussi, au pied d’un arbre, le dôme d’une énorme fourmilière de plus d’un mètre de hauteur et deux mètres de diamètre constitué d’aiguilles de sapins
En regardant de plus près on voit une étrange animation, ce sont des fourmis des bois qui s’activent fébrilement, ces fourmis sont énormes : longues de plus d’un centimètre, mieux vaut ne pas trop s’attarder car elles ne tardent pas à visiter les chaussures,
Ces fourmis sont très rares dans notre contrée, elles sont protégées car très utiles pour l’écosystème forestier en consommant insectes et larves parasites, elles ne piquent pas mais projettent de l’acide formique concentré jusqu’ à un mètre.
Revenons à notre rivière qui se réduit à un modeste ruisseau entre deux prairies
Sous la ligne des câbles haute tension, la bourdaine occupe ce terrain vierge de tout arbre, cet arbrisseau encore présent sur ces terres acides tend à disparaître dans le bassin de CHATEAULIN ou il était utilisé pour la confection des paniers
A la poudrerie de PONT DE BUIS, le charbon de bois de bourdaine entrait dans la fabrication de la poudre noire
Ici les résineux viennent d’être abattus et seront prochainement débardés par les « débusqueurs », énormes engins qui les saisissent au moyen d’une pince
Il nous faut progresser entre les troncs et les enchevêtrements de branches.
A l’ ouest d’ une autre sapinière nous découvrons cette petite cuvette ,sorte d’ entonnoir qui recueille au point bas d’ une parcelle envahie par la molinie ,une eau sortie de nulle part, on pourrait croire que nous touchons au but car plus aucun ru n’ est visible dans ce terrain, et pourtant l’ eau s’ écoule entre les « touradons » de cette graminée ,ce sont des touffes hautes parfois de plus de 70 centimètres constituées par la pousse annuelle de cette plante sur ses anciennes racines et feuilles mortes dont la décomposition est ralentie par l’ acidité du sol
Il n’ est pas facile d’y progresser, on croirait enjamber un troupeau de moutons !
La molinie a cette particularité de sécréter une substance qui inhibe la pousse des autres végétaux, sans concurrents, elle couvre la quasi-totalité de cette prairie
Dans le haut de cette parcelle nous retrouvons notre ruisseau à nouveau canalisé dans ce que l’on appelait une « rigole » que les agriculteurs autrefois entretenaient dans le but d’ irriguer les prairies voisines en détournant le cours naturel du ruisseau mais par défaut d’ entretien cette rigole est , à certains endroits, maintenant comblée par le piétinement des bovins qui venaient s’ y abreuver .
Continuons, ici la rigole se cache sous les saules et les noisetiers, l’eau y est très claire,
et voici quelques pierres assemblées en forme de petit tunnel sous un talus d’ où coule un filet d’ eau pure ,de l’autre coté de ce talus une friche humide ,on peut en conclure que ce tunnel protège la source et a été construit pour éviter sa pollution par les animaux , les hommes du néolithique qui ont dressé les menhirs d’ AN EURED VEN, tout proches, s’y sont certainement désaltérés.
Nous retrouvons sur la photo satellite au nord est de la source ce mystérieux anneau visible grâce à la différence dans la végétation (voir le sujet dans : « conservation du patrimoine »
Une anecdote concernant le second moulin en aval, celui de MEILH AR C’HOAT : il appartenait au célèbre MARQUIS DE LA FAYETTE, le héros de la guerre d’indépendance des ETATS UNIS et ami de GEORGES WASHINGTON, il le tenait de sa seigneurie du PARC ainsi que le moulin de KERMORVAN
Entre MEILH AN AOD et la source nous avons 120 mètres de différence de niveau sur une distance de 1700 mètres, donc une pente moyenne de 7 pour cent. Jusqu’à KERIVARC’H la rivière descend encore de 65 mètres, ensuite elle s’écoule paisiblement jusqu’ à L’AULNE avec une modeste pente de 4,5 pour mille, ce qui occasionne des inondations lors de fortes pluies
LA DOUFFINE aurait autrefois connu une autre appellation, un lecteur du forum en aurait-il connaissance ?
Divers « affluents » de la DOUFFINE sont bien connus : le STEIR RODOU qui prend sa source à LANNEDERN et le RIVOAL qui nait près de Kroaz Oannec point de rencontre des 4 communes LOPEREC—HANVEC—SIZUN-–St RIVOAL mais d’autres ruisseaux plus modestes ont probablement aussi une appellation locale qu’il aurait été intéressant de connaître