Dans chaque commerce il y avait un débit de boisson et quand un Braspartiate allait aux commissions, il payait un petit verre de rouge au tenancier qui, par tradition, remettait sa tournée. Les veuves de la Grande Guerre avaient eu l'autorisation d'ouvrir un estaminet, eu égard à leur faible pension, ce qui rajoutait les occasions de consommer du gwin-ru contribuant à l'élévation de l'alcoolisme ambiant.
On pouvait en compter une soixantaine…
En plus de la mairie, 4 écoles dont 2 religieuses: l'école des sœurs, ou étudieront les sœurs de Jacky pendant la guerre, était accolée à l’église. Alors que l’école laïque toute proche de la mairie dans un esprit républicain. L'école laïque des garçons était reléguée au bas du bourg. Face au patronage, celle des frères des écoles chrétiennes et dont le coq fut à 2 doigts de se faire tordre le coup par Jacky qui n'appréciait pas le salut matinal du gallinacé.
Au haut du bourg, sur la route de Morlaix trônait le garage Calvez devenu Brenner et en face la menuiserie Plassard. Tout près, le terrain de foot. De là, à travers champs nous rejoignions le Château d’eau pour y faire nos « gendarmes voleurs » et nos batailles de lance-pommes.
Plus tard le terrain de foot accueillait d’autres jeux…
En descendant on découvrait les entrepôts du mareyeur Orlac’h, et en face le haras qui avec ses 4 mâles reproducteurs attisait notre curiosité. Nous venions y prendre nos leçons de choses.
Nous passions devant la maison de maître Tréanton, siège de son office notarial puis de celle du coiffeur « Tourbillon » et celle de la poste. Voici le patronage qui abritait le cinéma avec les séances du vendredi et du dimanche. Le dernier rang était réservé à notre bande. C’est dans la cour du « patro » que nous rivalisions lors de nos jeux préférés. « La vache » vous connaissez ?
En traversant la rue, la coopérative La Douffine, du nom de la rivière qui sépare Brasparts de Pleyben, jouxtait l’école des frères et plus bas le peintre Ripot ainsi nommé car il était dépositaire des peintures Ripolin.
La maison de la presse Mazé suivie de la boutique de l'électricien Michel Baut qui est aujourd’hui l'office du tourisme. En face Tromeur le charcutier confectionnait la fameuse andouille de Brasparts qu'il enveloppait dans du papier frappé de sa tirade humoristique « petit cochon n'ai pas peur, tu vas chez Jean Tromeur » Et évidemment ses tripes renommées à travers les monts encore en vente au marché du Chateaulin. Mais sur ce terrain glissant il y avait compétition avec Kerhoas et Rannou.
Un peu plus bas sur la route reliant celle de Morlaix à celle de Pleyben le magasin « armes et pêche » de Mme Breut où les plombs étaient vendus à l’unité !!!
Alors, en bons garnements, nous comptions, décomptions, recomptions et emmêlions la patronne. Pas vraiment une bonne affaire pour elle.
Et encore une boucherie… celle de Floch.
Descendons toujours et traversons la place des halles pour rejoindre la route de Pleyben
Sur la place des Halles : un bar, l’un des quarante, chez Guilloux qui vendait les billets de car. Il faisait également taxi et ambulance. Sa DS filait sur la route brouillassée entre le lac et la montagne st Michel.
Ces cars, rouge et blanc, desservaient Morlaix et Quimper trois fois par jour et Brest deux fois par jour.
En bon parisien amoureux de la Bretagne et des bretonnes, Jacky embarquait à son bord chaque vacance scolaire et visitait chaque commune de Morlaix à Brasparts en 1h30 après un voyage en train couchette de 8 h. Longue nuit où les projets de la bande le berçait.
Touche-touche avec le café, la mère de Gilbert Direur dit « Julot » se lança elle aussi dans la vente de vêtements. En face, la charcuterie Kerhoas qui empestait régulièrement le voisinage avec la marinade de boyaux de cochons, étape précédant la fabrication des fameuses tripes de Brasparts, si prisées des noces d'antan. Dans l’arrière-cour nous assistions parfois à la mise à mort de ses cochons.
Une autre charcuterie « Chez Rannou » se cachait en face du pharmacien Mr Quelen surnommé « p’tit sou » car le potard ne lâchait pas le moindre centime.
Cette place des halles avec cette grande bâtisse accueillait les mariages et les festins où chacun des 100 invités payait son écot. Plus tard elle fut consacrée à la réserve des céréales et nous trouvions bien le moyen de rentrer par effraction pour nous amuser sur ces sacs à une dizaine de mètres de hauteur. Une fois les Halles abattues, les fêtes du 15 août donnaient lieu à l’installation des manèges, Toss toss et petites voitures. C’est durant ces fêtes que se déroulaient les courses d’enfants ou plutôt des grands ados car nous avions déjà 18 ans et nous animions le village lors de nos combats fraternels en disputant les courses à l’œuf, les courses en sac, les courses mixtes ,les courses à l’eau, à l’eau, ou a la brouette (photo). Et quoi de plus émouvant que le concours de belote disputé dans les différents estaminets du bourg ? Les anciens, la clope au bec, enrageaient de se faire tenir la dragée haute par les minots. Belote, rebelote, dix de der. Et un jour le drame se produisit. Deux jeunots de notre bande atteignirent le graal de la victoire dans le bar de Mr Cras, le maire.
Pendant quelques années une course cycliste semi professionnelle laissait une cinquantaine de sportifs en short et fraichement rasés diffuser une odeur d’huile de massage à travers le bourg. Deux circuits étaient au programme :
La boucle partant par la route du Faou et revenant par la route de Morlaix ;
La seconde partait par la route de la fontaine et remontait par la route de Pleyben.
Toutes ces animations étant annoncées en haut de chaque rue par un coup de corne du garde champêtre surnommé Jean Q.
Sur la place la plus belle devanture était celle du photographe Guilloux qui exposait ses photos de mariage grand format en noir et blanc ; c'était un fameux chasseur qui tous les ans allait tirer le lièvre des Carpates dans les pays de l’est. Face à lui le forgeron Feuntena ferrait les derniers chevaux bretons dans la fumée parfumée de la corne brulée de leurs sabots.
Deux boulangers également sur la place : « Michmeur » et Galand, anciennement Irvoas et le restaurant Les Bruyères où se retrouvaient les ados les jours de pluie autour du baby-foot.
Citons les 2 entrepreneurs : Corre à la Gare, là où s'arrêtait autrefois « le train patate » et Goavec en bas du bourg, route de Pleyben qui possédait la scierie où les gamins se fournissaient en chutes de bois et faisaient des cache-cache au risque de se faire écharper par la scie.
Heureusement le Dr Robert veillait à 2 pas.
Il exerçait son art dans la superbe maison familiale des Dantec. La maman de Youenn y était installée comme infirmière. Plus tard, assagis et le stéthoscope en bandoulière, nous prendrons le relais comme médecin de campagne, le temps des vacances.
Pas loin le 2ème garage tenu par Yves Tromeur et l’entreprise Stervinou, sanitaire et travaux divers ainsi que le salon de Guitou, coiffeur pour dames qui malheureusement souffrit de nos quolibets.
Tout près, le hangar à foin de Kerguelen où nous nous écharpions.
Plus tard à côté de la gendarmerie, notre club « la bielle » fût créé. Notre bande d’une quinzaine d’individus entre 16 et 19 ans organisait des boums effrénées et les commères du village faisaient courir le bruit que nous dansions nus. Marie Coz n’était pas la dernière à le prêcher. Nos ambitions de recrutement des « belles » nous emmenaient jusqu’à Pleyben.
Face à la mairie, deux autres cyclistes qui bricolaient les deux roues et travaillaient à la chaine : Bozec dit Bozcul et cyclope ainsi nommé parce qu’il avait un œil de verre. Entre les 2, Nezet, l’horloger surnommé « coucou », face à la maison de naissance du poète Le Guyader.
A l’orée de la place la « grande maison ». Tout proche l’éco magasin d’alimentation et accolé le premier sabotier Le Meur.
Route de la fontaine
L’entreprise de camions transporteurs du maire Mr Cras, la fontaine puis le lavoir et ses lavandières agenouillées dans leur caisse. Marie jeanne en était la doyenne et la patronne.
Face au « petit chemin » menant au lavoir le parrain de Jacky Le Coz réparait les mobylettes et les cycles « glorius »
Sa femme, Marie Coz tenait l’épicerie. Pour la vente de tissus et de vêtements Marie Coz était championne, et avec la bosse du commerce familial elle se rendait dans les coins les plus reculés de la paroisse quérir le beurre des fermiers qu'elle revendait au bourg, salé et décoré « maison ».
Pour le bien être du commerce Jacky et Dominique étaient priés de venir embrasser tous les « cousins » venus des fermes alentour. Impossible d’y échapper.
Derrière la maison, le cagibi, lieu merveilleux, où ceux qui ont pu gouter les « crampouz » de tante Marie, faites sur le bilic et au feu de bois, alimenté par Jacques Salaun, en salivent encore.
Un peu plus haut le bouilleur de cru Kermarec avec le hangar jouxtant la maison distillait le lambic. La couturière Mme Quéré reprisait dans une modeste boutique où son fils Lannick officiait comme rebouteux sans que sa réputation ne dépassât les landes du mont St Michel.
Lui faisant face, la mère d'André Jambrin vendait également du tissu.
Dans la petite côte reliant la route de la fontaine à celle du Faou, le marché aux bestiaux se tenait une fois par mois avec ses vaches. Les chevaux étaient route de Morlaix et les poulets et les cochons place de l’église. Jean Ruelland le boucher n’avait qu’à se servir. La tante de Jacky, qu’il avait à la bonne bénéficiait en priorité de la tranche de foie de veau qui permettrait à son neveu de faire le « coq ». Toujours dans cette petite montée à faire en danseuse à vélo, le SPAR, Madeleine Maze officiait dans son sanctuaire dédié aux cadeaux de mariage. L’un de notre bande aurait piqué un paquet de chewing gum, larcin immédiatement diffusé sur radio commères
Sur LA place Ste Barbe où l’église fût détruite en 1945 pour agrandir la place, Kerdraon tenait une épicerie à coté de « fer blanc » Michel Nicolas qui travaillait et vendait du zinc et Charles Le Meur qui taillait des costumes. En face la quincaillerie de chez Caer vendait graines et tissus. Son mari avait une forge dans une arrière-cour en face de la rue. Baraer le coiffeur, venu de Paris, sévissait à l’angle de la place.
Les jours de marche les cochons couinaient place de l’église près des poulets ébouriffés devant chez Nedelec, chausseur sabotier. Tout près, Frabolot dit manu, marchand de vins et spiritueux. Ces deux-là se sont succédés à la tête des pompiers, structure indispensable et incontournable de la commune(photo)
Au coup de sirène on voyait les bénévoles accourir de partout en enfilant leur veste et sauter dans le camion qui les ramassait.
En face la très belle église du XVIe siècle où il était difficile d’échapper aux offices du dimanche pour faire plaisir à nos parents. Elle avait non pas sa chorale mais de célèbres solistes comme Jean « Trom » réputé pour chanter le Minuit chrétien à la messe de Noël et le père de Youenn, François Dantec, auteur du recueil « un marchand de vin du Finistère ».
A deux pas Mme Y. Riou, chapelière et Mme Rest, énième marchande de tissus avoisinaient la boucherie Boulouard.
Le 15 aout toutes les bannières étaient sorties et c’est autour de l’enceinte que gamins, à l’appel des cloches, nous surgissions pour récolter les pièces jetées lors des mariages et baptêmes.
Les 3 marchands de cycle du bourg malgré la concurrence arrivaient à vivre petitement et les gamins du village passaient d'une boutique à l'autre pour l'entretien de leur bécane qui les menait l'été se baigner au grand pont, à Cavaloch ou au Nivot (photo) Plus tard mais à Mobylette, nous nous rendrons à la piscine de Sizun les jours de grande forme.
À vélo, nous nous attaquions à la côte du Mont-Saint-Michel et nous atteignions parfois le sommet pour nous prendre en photo devant la Chapelle (photo) ou grimper dans le clocher (photo).
En descendant la route du Faou on découvrait la maison de Renan le Loup, la plus ancienne de Brasparts. Cette maison transformée en une fameuse crêperie où les gamins se retrouvaient régulièrement le vendredi des vacances avec chacun à la main une assiette contenant en couronne les morceaux de beurre salé, préparés pour le nombre de crêpes programmées (en général plus de dix par gamin). L’occasion de bonnes rigolades, avec notre spécialité, le jet de boules puantes.
Le trop grand presbytère mitoyen n'abritait plus que la solitude de Monsieur le Recteur qui avait perdu son vicaire et son bedeau. Je pense tout de même qu’il avait conservé sa « Karabasenn ».
Un peu plus bas il y avait la salle de fête Ruelland, jouxtant son abattoir. Jeunes adolescents, nous faisions nos premières armes en dansant sur Adamo, et en susurrant «tombe la neige » sous le regard scrutateur de nos commères, toute de noir vêtues. Rangées consciencieusement sur des bancs tout autour de la salle elles pouvaient nous surveiller de très près. L’orchestre d’Alex, le mari de la crêpière était aux manettes.
Un peu plus bas l’entreprise Raymond Mazé plutôt branchée électricité.
Il fit beaucoup pour mettre en valeur le patrimoine de l’église avec le concours de Patrice Cirefice.
Merveilleux souvenirs d’enfance et d’adolescence que nous vous évoquons avec toute notre gratitude envers ces dames en sarreau noir.
Youenn Dantec email :
ymdantec@gmail.comJacky Le Coz email :
jacky-lecoz@orange.frNos remerciements à Jean Yves Brenner, mémoire du village.