J'assiste comme chaque année à la cérémonie du souvenir organisée devant le monument aux Morts de Brasparts.
Une occasion pour moi de penser à mon camarade Patrice. Son engagement exceptionnel, pendant tant d'années, a permis d'honorer de manière exemplaire la mémoire de nos anciens tombés aux combats au cours des deux guerres mondiales.
Nous nous étions promis, tous deux, d'accompagner dans ces commémorations nos derniers anciens combattants, jusqu'à leurs derniers jours. La disparition prématurée de Patrice et la mort d'Alexis ont scellé la réalisation de ce serment. Mission accomplie, le flambeau avait été transmis à nos anciens d'Algérie réunis autour du drapeau de la FNACA.
Quelle surprise en ce jour ! Les drapeaux des sections locales des AC de la guerre 39/45 et de la FNACA sont portés par deux jeunes sapeurs pompiers en tenue, escortés par une haie d'honneur formée par leurs camarades. Une belle initiative de la mairie et du corps local des soldats du feu. En outre, un rajeunissement bienvenu de l'assistance, qui enrichit le sens et la portée de cette cérémonie.
Madame la Maire (je me retiens de dire "le" qui sentirait trop Bruno) entame la lecture du message adressé par le Ministre ou le Secrétaire d'État chargé des Anciens combattants. C'est un moment solennel pour nous bien sûr et aussi pour le personnage choisi par le Président pour incarner provisoirement cette fonction. Une occasion en or, pour lui, d'inscrire son passage dans un moment d'histoire et de communion nationale. De quoi faire oublier un peu la déception éventuelle ressentie lors de sa nomination, s'il escomptait un maroquin plus prestigieux, en juste rapport avec ses mérites. Pourquoi je dis ça? Je n'en sais rien, un zeste de mauvais esprit qui me revient…
C'est à cet instant que les cloches de l'église se réveillent, pour sonner 11 heures avec sans doute un petit retard.
Madame la Maire s'interrompt avec beaucoup d'à propos pour ne pas laisser perdre un peu des précieuses paroles. Elle reprend ensuite le fil du message avec assurance et conviction…Décidément un souffle nouveau s'est levé ici autour du monument aux morts !
Le dépôt de gerbe est confié aux JSP qui accompagnent madame la Maire et le président de l'antenne locale de la FNACA.
L'évocation du nom des militaires morts en opex au cours l'année, faite depuis quelques années, est un juste devoir.
La minute de silence permet de nous recueillir ensuite. Pour ma part, c'est en communion de pensée avec nos aînés qui le 11 novembre 1918 à 11h précisément connaissaient l'immense soulagement d'un silence inhabituel recouvrant enfin le champ de bataille. Et en pensant aussi à tous ceux qui ne sont pas revenus ou qui ont été marqués à jamais dans leur chair ou leur esprit. Je ne suis plus très enclin à me référer à l'héroïsme et à la gloire des combattants. J'imagine simplement une boucherie endurée par de braves gars de la campagne, des jeunes gens qui n'avaient rien à y faire, dans une guerre qui a duré 4 longues années. Avec l'âge venu, je me méfie de plus en plus des grands mots qui masquent les maux irréparables.
Depuis la mort de Jean il y a quelques années, l'assemblée ne récite plus le "notre père" avec lui. Ce qui est normal dans une cérémonie laïque, mais c'était une curiosité braspartiate qui apparaissait naturelle dans l'environnement de l'église et du cimetière.
En France tout finit par des libations…À Brasparts, patrie du poète Frédéric Le Guyader qui a célébré le cidre, elles sont de bon aloi et toujours très bien organisées par Jean Yves. Une occasion de prendre mutuellement des nouvelles des uns et des autres, si on arrive à éviter les fâcheux. Cette fois-ci, il a été beaucoup question des tracas causés par la violente tempête du 2 novembre. Ciaran, le nom d'origine irlandaise qui lui avait été donné, était de mauvais augure. Il signifie en effet "sombre, noir". Les dégâts constatés après son passage ont confirmé ce pressentiment. Presqu'en même temps, une folie meurtrière embrasait de nouveau la Palestine alors qu'un conflit d'un autre temps continuait de s'enliser à l'est de notre continent.
Le matin du 2 novembre nous étions nombreux à ressentir un profond désarroi devant le spectacle de la violence de la nature. Des géants foudroyés, fracassés, déracinés qu'il faudra évacuer ou réparer. Beaucoup d'énergie, d'efforts, d'entraide, de solidarité seront nécessaires pour tout cicatriser.
Comme après une guerre, sauf que cette dernière tragédie bien plus effroyable, ne dépend que de la volonté humaine. Il nous appartient, encore et toujours, de sensibiliser, de mettre en garde et de transmettre aux plus jeunes cette histoire.