Pour le plaisir, voici un texte extrait de l'ouvrage du baron de la Pylaie, qui fut en quelque sorte l'initiateur touristique de la noce de pierres, en 1845...
"Le 30 décembre, le ciel me promettant au matin une belle journée, je me disposai à aller à la recherche d'un alignement de peulvans qu'on m'avait indiqué dans la plaine élevée qui se trouve à la base du mont Saint-Michel, du côté du sud-est. Ignorées de tous les savants, ces pierres forment un alignement long de quatre cent pas, d'orient en accident, avec quelques particularités que je suis obligé d'omettre ici. On les nomme ar men zon eus Praden pen ar yun dreuz, c'est-à-dire les pierres debout du plateau qui forme l'extrémité d'un pâturage humide; il se trouve en travers de la chaîne des hauteurs.
Une tradition que je ne dois pas omettre ici se rattache à ce long alignement de peulvans: celui-ci ne serait autre chose qu'une noce changée en pierres par la puissance divine, afin de punir d'une manière exemplaire son irrévérence envers les choses saintes. Un prêtre, qui traversait la plaine en portant le viatique, aurait passé près de cette nombreuse compagnie sans que personne se mît à genoux et fit même semblant de le voir. Comme un tel excès d'impiété ne pouvait rester impuni, tout aussitôt Dieu pétrifia sur place cette bande irréligieuse. Bien d'accord avec les pères de l'Eglise, que tout est possible à Dieu, nous nous permettrons seulement de faire observer que cette histoire eût offert plus de vraisemblance si les pierres de cette longue série, au lieu d'êtres solitaires, se fussent trouvées deux à deux, ainsi que marchent les gens d'un cortège nuptial."
Bien évidemment, François Joncour ne pouvait ignorer ce lieu et multiplia clichés et cartes postales, dont voici quelques exemples qui proviennent d'une collection privée...
Paul Sébillot, dans la Revue de Bretagne, de Vendée et d'Anjou, de 1891, donne une version ressemblante contée par Auguste Lemoine de Matignon en 1867:
"Un jour les jeunes gens d'un village s'étaient réunis pour danser au son de la vielle.
Au moment où la danse allait commencer, quelqu'un vint dire qu(un prêtre venait porter le Bon Dieu à un malade de la paroisse, et qu'il fallait s'arrêter un peu pour le laisser passer.
Les danseurs continuèrent leurs ébats, et au moment où la clochette qui précède le viatique se faisait entendre, ils dirent:
- Dieu joue son jeu, nous jouons le notre.
La danse continua pendant la nuit, et même le lendemain qui était un dimanche, et aucun des danseurs n'alla à la messe, à laquelle assista seul le joueur de vielle qui avait cessé de faire entendre son instrument quand le viatique était passé.
La terre, au milieu d'une contredanse, s'entr'ouvrit et engloutit les danseurs; et leurs habits, dont l'enfer n'avait pas voulu, restèrent sur le lieu de la danse où depuis jamais herbe n' a poussé."