Petite école
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Je suis une petite école dans un petit bourg dans une contrée un peu perdue du côté de la montagne… au service des familles depuis près d’un siècle et demi!
J’ai vu des générations d’enfants se succéder…
Au tout début seules les petites filles, de la campagne et du bourg, pouvaient s’y retrouver ; les maîtresses aussi étaient alors des Filles de la campagne et du St Esprit.
C’est avec l'espoir d’une vie meilleure que les parents me confiaient leurs enfants pour leur instruction et leur éducation.
Le temps a passé et après bien des aventures, j’ai rejoint la République.
J’ai vu disparaître les maîtresses à cornette, le collège, le joyeux pensionnat, l’école ménagère et j’ai aussi découvert le petit monde plus turbulent des garçons! .
Tout allait très bien pour moi.
Comme j’avais une soeur jumelle dans le bas du bourg, j’étais très heureuse et fière d’être choisie par certains parents lors de chaque rentrée scolaire . Après quelques chamailleries qu’il serait trop long de narrer ici nous nous entendions très bien. Après tout nous avions le même projet, les mêmes préoccupations.
Les mêmes rires, les mêmes jeux, les mêmes bousculades résonnaient dans nos cours pendant 9 mois de l’année. Plein d’occasions aussi de rassembler petits et grands au long de l’année pour animer la vie du village.
On s’appuyait l’une sur l’autre comme deux vraies soeurs pour donner le meilleur de nous mêmes avec ceux qui nous faisaient confiance.
Entre temps ma soeur avait grandi elle aussi et elle avait même rajeuni grâce à l’argent magique de la république.C’était tant mieux, on n'était pas trop de deux pour donner un peu de vie à notre bourg.
Peut être bien que je m’étais assoupie un peu au cours de ce long hiver de l’an 2 de la covid!
Quand soudain le grand Directeur M. Lamour s’est annoncé chez nous…
Pour le coup j’étais bien réveillée et très fière, parée de tous mes atours ce soir là.
“Petite école je vais te fermer!”
Boum, badaboum...en guise d’amour, de compliments mérités, c’est rien que l'amour des chiffres qui parlait.
Quelle déception! Je n’en croyais pas mes oreilles….Qu’est ce que je t’ai fait, j’ai rien fait de mal pour être punie ainsi!
“Petite école, ce n'est pas une punition. C'est juste les temps nouveaux, les temps modernes. Tu es de ta campagne, je préfère désormais les lumières de la ville.
Tu es bien trop petite, pas assez attirante; et puis tu en as assez fait, tu as le droit de te reposer!”
J’ai pas tout compris ce qui a suivi après: chiffres, statistiques, arithmétique, postes, abattements, impératifs de gestion, rentabilité…
Je n’ai pas entendu les mots qui réconfortent: fidélité,continuité, fierté, tradition, liberté de choix, valeurs personnelles...C’est pas juste!...Moi je suis toujours vaillante, je n’ai jamais abandonné personne même les jours où les grandes personnes ne veulent pas aller travailler...Comment vais je le dire à mes enfants, à leurs parents, à leurs amis et à tous ceux qui sont passés chez moi?
Au secours je vais mourir!
Ici radio Mts d’Arrée, Fanch ar Flapper au micro:
“Nous avons entendu l’appel au secours de l’école Ste Thérèse à Brasparts menacée de fermeture par la direction diocésaine. Nous sommes venus sur place pour vous rendre compte de cet évènement.
C’est une émotion considérable qui a saisi la population après cette annonce inattendue. Nous avons entendu des témoignages émouvants de la part de parents et d’enfants encore choqués. Il faut bien se rendre compte qu’ici Ste Thérèse c’est un peu l’âme de ce village. Blottie à côté de l'église, elle avait déjà été traumatisée par l’exil des dernières religieuses qu’elle hébergeait gracieusement et qui ont quitté Brasparts, il y a quelques années, contraintes et forcées, dans un silence assourdissant -déjà de simples considérations d’effectif et de gestion alléguées par leur supérieure-.
Pour l’heure et à la suite de pétitions lancées par les parents d’élèves, ayant obtenu une large adhésion de la population, nous assistons à une manifestation de soutien devant l’école.
Une foule de Braspartiates et amis de Ste Thérèse s’est rassemblée au porche de l’école répondant à l’invitation des parents d’élèves ( 250 suivant les organisateurs, 80 selon la police). Des slogans sont lancés ou portés: “Touche pas à mon école”, “la diversité est une richesse”, “on veut continuer à vivre à Brasparts les deux écoles” etc...
Après le chant d’accueil émouvant des enfants sacrifiés sur l’autel de la statistique, Ils ont entendu les responsables des parents d’élèves qui demandent a minima la suspension de cette décision pour donner le temps d'enclencher une nouvelle dynamique liée à la revitalisation du bourg initiée par la municipalité.
Aux côtés des élus de la commune, motivés et rassemblés autour Mme la maire Anne Rolland, M. le conseiller départemental Christian Troadec et M. les maires des bourgades voisines ont exprimé leur entière solidarité et leur ferme soutien afin d’appuyer les actions envisagées pour sauver l’école.
Tous espèrent beaucoup du recours déposé auprès de M. le député Richard Ferrand, disciple local et loyal du Président de la République “ aucune école ne doit être fermée en milieu rural”. Les promesses engagent ceux qui les reçoivent comme chacun le sait!
C’est dire qu’ici on est très optimiste sur une issue favorable à cet épisode surprenant.
On vous rendra compte très bientôt de la suite heureuse qui s’annonce pour l’école Ste Thérèse.
C’était en direct de Brasparts votre envoyé spécial sur radio Mts d’Arrée.
A vous les studios à Lokeorod !”