Monsieur Jean le Guillou, dont tous se souviennent à Brasparts, m'a très gentiment transmis le texte du discours que son arrière grand-père prononça le 5 mai 1889, à l'occasion du 100ème anniversaire de la Révolution Française.
Ce texte est d'autant plus intéressant qu'il me parait transcrire les beaux idéaux de cet homme qui se montra si dévoué pour ses concitoyens.
Rappelons-nous aussi qu'en 1889 la République est encore fragile et qu'il était important pour les gouvernants en place de contribuer par leurs paroles et par leurs actes à son renforcement.
Voici ce document:
"Mes chers concitoyens,
Le gouvernement de la République a voulu qu'on célèbre aujourd'hui dans toute la France la fête du 5 mai en souvenir du centenaire de 1789, car les représentants de la Nation, c'est-à-dire de la noblesse, du clergé et du Tiers-Etat, se réunirent à Versailles pour se prononcer sur les réformes déjà projetées, sinon réalisées par quelques ministres de Louis XVI.
Cette réunion était surtout réclamée par le peuple qui gémissait des vexations qu'il avait subies de la part des seigneurs. La noblesse et le clergé se liguaient pour enlever au pauvre paysan, au malheureux artisan, tout ce qu'ils avaient pu acquérir à la sueur de leur front. La taille, la corvée, la dîme, les droits seigneuriaux étaient des moyens employés à l'égard du travailleur. Quant au peuple, il devait se contenter d'une nourriture grossière, heureux encore si les châtiments corporels ne vinssent pas lui rappeler qu'il était au monde pour le bon plaisir de son seigneur. En un mot, on le traitait en animal domestique (Caton l'Ancien) et on lui rappelait sa vile origine.
C'est donc avec un vif enthousiasme que l'on vit s'ouvrir le 5 mai 1789 les Etats Généraux.
De la réunion de cette assemblée devaient surgir ces immortels principes qui ont établi parmi les citoyens français les Droits de l'Homme. Désormais le pauvre comme le riche peut aspirer aux hautes fonctions du pays. Il n'y a de différence que dans l'intelligence, l'ardeur du travail, la bonne volonté de réussir. L'égalité existera en tout et partout. Les impôts réservés jusqu'alors pour le peuple sont répartis proportionnellement à la fortune de chacun. La justice est rendue avec droiture et loyauté. En somme tous les hommes sont égaux devant la loi.
C'est l'anniversaire de ces faits mémorables que nous fêtons aujourd'hui; il ne doit exister aucun dissentiment parmi nous à cette occasion, car la République est, il faut le convenir, la source du bien-être de chacun de nous.
Si des excès se sont produits durant cette période, il faut les attribuer uniquement à l'état de surexcitation où se trouvaient les esprits si longtemps opprimés et si avides de liberté. Mais quel que soit le sort qui nous est réservé, nous ne pouvons pas cesser d'admirer l'image de ces hommes qui ont contribué à combattre pour la liberté, l'égalité et la fraternité.
Je crois donc célébrer cette fête à Brasparts par la distribution de pain aux pauvres. C'est fêter dignement le jour séculaire de l'ouverture de l'Assemblée des Etats Généraux, et nos voix s'unissent toutes dans le cri de Vive la République!
Yves Lazennec