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 Histoire d'un trésor à Pont L'Abbé, de Frédéric Le Guyader

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Patrice Ciréfice
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MessageSujet: Re: Histoire d'un trésor à Pont L'Abbé, de Frédéric Le Guyader   Histoire d'un trésor à Pont L'Abbé, de Frédéric Le Guyader - Page 2 Icon_minitimeSam 23 Juin - 7:18

Mademoiselle Thibaudière et sa tante s'ensevelissaient, de plus en plus, dans l'isolement et dans la prière.
Le rétablissement du culte fut, pour elles, comme une joie, au milieu de leurs épreuves.
Les églises, dont, presque partout, on avait fait des granges, des halles, des magasins, étaient redevenues la maison de Dieu.
Les deux pauvres femmes eurent l'immense consolation d'entendre, tous les jours, la messe, dans la très vieille église paroissiale. Le matin, à la première heure, vêtues de noir, comme deux veuves qu'elles étaient, on les voyait, telles que des ombres, se hâter vers l'église. A peine si l'on reconnaissait la jeune fille de la vieille tante. Sous son voile, toujours baissé, sa beauté s'était éteinte dans les larmes. Désormais, elle ne vivait plus que pour parler à Dieu de son infortune, et pour étaler, sous ses yeux, au pied de la croix retrouvée, la plaie toujours saignante de son coeur.

Histoire d'un trésor à Pont L'Abbé, de Frédéric Le Guyader - Page 2 Eglise23


A côté d'elle, sans jamais la voir, Lazare Barrois, tout entier à son remords, subissait, quotidiennement, le châtiment de sa lâcheté et de sa trahison.
Les blessures graves qu'il avait reçues en Egypte lui avaient donné droit à un repos prolongé en France.
Mais le premier Consul ne l'avait pas oublié. Il voulut l'avoir, sous la main, pour la campagne merveilleuse qui devait aboutir à Marengo.
Décidément, le sol classique des Césars portait bonheur au nouveau César. Avec l'aurore du dix-neuvième siècle, s'ouvrait pour Bonaparte, et pour la France, cette période triomphale, dont un royaliste, le duc Victor de Broglie, a pu dire que “ces quatre années furent, avec les dix dernières années du règne d'Henri IV, la meilleure, la plus noble partie de l'histoire de France”.
Les Bretons, comme toujours, étaient au premier rang, là où il fallait du sang à répandre pour la patrie, où il y avait des lauriers à moissonner pour elle. En cette même année de Marengo et de Hohinlenden, le plus pur des soldats de la France, après Jeanne d'Arc, La Tour, d'Auvergne, frappé au cœur sur un obscur champ de bataille, entrait dans l'immortalité.
Lazare Barrois, las, à la fin, d'une vie qui lui pesait, avait espéré mourir, lui aussi, au cours de cette seconde campagne d'Italie, où la Victoire, au pas de charge, conduisait nos soldats à des conquêtes cette fois définitives.
Jusqu'à son départ pour l'Armée d'Italie, Lazare Barrois n'avait eu à reprocher à sa femme que des dépenses exagérées et des allures extravagantes.
Quand il fut parti, les choses tournèrent au désastre, à la honte, sous l'influence de la mère de sa femme accourue de Paris, avec deux ou trois personnages du ton le plus équivoque.
Paris regorgeait, à cette époque, d'intrigants et d'étrangers qui, au milieu de la dépravation du Directoire, menaient joyeuse vie, dépensant à pleines mains l'or gagné ou volé pendant la féconde période révolutionnaire.
Il y avait là, parmi la foule des débauchés, toute une armée du crime qui, bientôt cependant, allait trembler sous l'œil redoutable d' une police toute nouvelle.
C'étaient les rastaqouères de l'époque, espions en partie double et dénonciateurs, enrichis à la chasse aux aristocrates, limiers de Fouquier-Tinville et pourvoyeurs de guillotine, hideux, hier, sous la carmagnole, plus dangereux, peut-être aujourd'hui, sous la perruque blonde des Incroyables.
C'est parmi ces bandits, dont le repaire le plus sûr étaient les tavernes à la mode, que madame Doriac et sa fille descendues rapidement au dernier échelon du vice et de l'infamie, avaient recruté leurs compagnons de fête et de voyage.
Quand elles en avaient assez, des théâtres, des tavernes de Paris, où elles trouvaient un plaisir singulier à coudoyer les filous et les filles, les dames Doriac, toujours suivies d'une demi-douzaine de chevaliers d'industrie, reprenaient la route de Pont-l'Abbé, où l'orgie continuait derrière les murs discrets de la vieille demeure des Barrois-Duchêne.
A cette heure, dans l'ignorance des hontes q ui salissaient son foyer, Lazare Barrois trouvait une distraction à sa peine dans les travaux de sa nouvelle campagne.
Il avait assisté au passage des Alpes ; il allait prendre part à la journée de Marengo.

Histoire d'un trésor à Pont L'Abbé, de Frédéric Le Guyader - Page 2 Batail11

Capitaine dans le corps de Desaix, il faisait partie de cette division de fer qui, arrivée à temps, par miracle, ou plutôt à l'appel du canon, sur le champ de bataille de Marengo, assura la victoire jusque là très compromise.
Avec ses frères d'armes, il eut le chagrin de voir Desaix, le chef bien aimé, tomber foudroyé, dès les premières charges de ses brigades victorieuses.
Blessé lui-même, assez grièvement, dans la journée, Lazare Barrois, après quelques semaines d'ambulance put être ramené sur Paris, d'où, sans hâte, et par petites étapes, quand il fut convalescent, il reprit, une fois encore, le chemin de sa ville natale. Il s'attendait à tout, excepté à ce qu'il allait trouver, au foyer de sa maison dévastée.


(A suivre.)
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MessageSujet: Re: Histoire d'un trésor à Pont L'Abbé, de Frédéric Le Guyader   Histoire d'un trésor à Pont L'Abbé, de Frédéric Le Guyader - Page 2 Icon_minitimeMar 26 Juin - 14:47

XI


Le voyage avait été lent et long, son état de santé l'obligeant, quelquefois, à passer toute une semaine dans un hôtel, dans une chambre d'auberge, trop heureux de trouver là un médecin pour le soigner.
C'est ainsi qu'il avait dû s'arrêter un jour à Vannes, et s'aliter en arrivant.
La nuit qu'il passa, dans le meilleur hôtel de la ville, fut si désagréable que, dès le lendemain, malgré sa faiblesse, il résolut de continuer sa route, et se leva d'assez bonne heure. La maison, en effet, avait été pleine de vacarme durant toute la nuit. Sans doute, l'hôtel avait été envahi, la veille au soir, par des voyageurs nouveau-venus, par une bande de fous qui, au lieu de se coucher, avaient fait bombance jusqu'au matin, causant un affreux scandale dans tout le quartier.
S'il avait été valide, Lazare Barrois n'aurait pas supporté de tels désordres, et en aurait châtié les auteurs. Empêché d'agir par son état de santé, il préféra quitter la place, et donna l'ordre d'atteler.
Comme il achevait de s'habiller, il vit, par les fenêtres de sa chambre donnant sur la rue, les mêmes tapageurs nocturnes monter dans leur voiture, et partir dans la direction de Paris.
Une magnifique berline de voyage, très vaste, comme on les faisait alors, et attelée de quatre chevaux robustes, emporta rapidement les voyageurs.

Histoire d'un trésor à Pont L'Abbé, de Frédéric Le Guyader - Page 2 Berlin10

Comme ils partaient, Lazare Barrois n'eut que le temps de reconnaître sa voiture, ses chevaux, et, assise dans le fond de la berline, entre deux rastaqouères habillés à la dernière mode, sa femme, qu'accompagnaient, d'ailleurs, sa belle-mère, et les inséparables négresses.
Plus accablé que jamais, affaissé sous le poids de ses douleurs physiques et morales, Lazare reprit donc sa route ; et, quelques jours après, très péniblement, il arrivait à Pont-l'Abbé.
Ayant laissé, chez lui, lors de son départ, d'anciens domestiques qui lui étaient très attachés, il s'attendait à les voir accourir, quand la voiture, q ui était la sienne depuis Paris, s'arrêta au seuil de sa maison.
Il ignorait, le malheureux, que, depuis plusieurs mois, ces bons serviteurs avaient été chassés, et sa maison était complètement vide.
Ne voyant venir personne, l'officier descendit de voiture, et souleva le marteau de la porte d'entrée. La porte était ouverte : il n'eut qu'à la pousser. Il entra.
Pendant que le conducteur de sa voiture s'occupait des bagages, Lazarre Barrois parcourut, l'un après l'autre, les appartements du rez-de-chaussée de sa maison.
Un désordre inexprimable régnait partout.
Les cuisines, les salles étaient toutes pleines encore des débris, et des odeurs d'une longue orgie. Des bouteilles, des plats sur tous les meubles, du vin partout répandu, les meubles béants, les tiroirs ouverts, et, çà et là, sur les parquets salis, les écrins de la vieille argenterie familiale, disloqués et vides.
Lazare, le cœur étreint par l'angoisse et la honte, gravit le plus rapidement qu'il put l'escalier de chêne massif qui conduisait aux chambres du premier et unique étage.
Là , ce n'était plus du désordre. C'était le saccage organisé, la dévastation la plus complète, et qui n'avait rien dû laisser après elle.
Fou de terreur à la pensée que l'armoire secrète de sa chambre à coucher avait pu être violée, l'officier se dirigea de ce côté.
La porte, comme toutes les portes de la maison, était ouverte ; et, avant d'entrer, Lazare avait tout vu. La grande glace qui dissimulait l'excavation pratiquée dans le mur n'existait plus ; la plaque de fer, avec ses gonds descellés, gisait sur le plancher ; la muraille, elle-même, avait été, en partie, démolie. L'excavation était vide. Il ne restait plus rien de la fortune des Barrois.
Seul, au milieu du désastre de sa maison, au milieu des ruines de son honneur, Lazare jeta un cri de détresse et de désespoir ; et, comme ayant hâte de fuir hors des murs témoins de sa tragique infortune, il descendit, non pas dans la rue, où il aurait eu honte d'affronter les regards des passants, mais dans son jardin, qu'il trouva dévasté comme le reste.
A bout de forces, il tomba, inanimé, sur un banc rustique qui lui avait été cher autrefois, au temps de ses amours avec la bonne Louise Thibaudière.
Ses blessures s'étaient rouvertes. Il avait perdu connaissance.
Quand il était revenu à lui, Louise Thibaudière, aussi défaite, aussi pâle qu'il l'était lui-même, se trouvait là, assise à ses côtés.
Elle tenait, dans ses mains tièdes, les mains glacées de Lazare, et penchée sur son visage ravagé par la souffrance, elle l'appelait, elle répétait le nom de Lazare, comme pour le rappeler à la vie.
Réchauffé par les soins de la pauvre fille, Lazare ouvrit les yeux .
Et quand il la vit, si près de lui, toute à lui encore, comme dans les jours bénis de leur jeunesse, les pleurs jaillirent de ses paupières, et, à travers ses larmes, une seule parole vint sur ses lèvres décolorées, un seul mot qui, sorti des abîmes de sa conscience et de son cœur, exprimait tout son remords, toute sa souffrance : “Pardon !...”


(A suivre.)
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MessageSujet: Re: Histoire d'un trésor à Pont L'Abbé, de Frédéric Le Guyader   Histoire d'un trésor à Pont L'Abbé, de Frédéric Le Guyader - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Juin - 8:14

XII

Lazare ne voulut pas être transporté dans sa maison pour y recevoir les soins urgents que réclamait l'aggravation survenue dans son état de santé. D'ailleurs, la maison, telle que l'avaient laissée la belle Aurore et ses compagnons d'orgie, ne pouvait, de longtemps, recevoir personne.
Après avoir longtemps résisté aux instances de Mademoiselle Thibaudiére et de sa tante, le malheureux blessé accepta leur hospitalité.
En peu de semaines, entouré d'affection, et des soins les plus tendres, Lazare, grâce à sa jeunesse aussi, retrouva ses forces, pour sourire de nouveau à la vie.
Depuis son mariage fatal, c'étaient ici les seules heures paisibles et douces qu'il eût goûtées. A vingt -cinq ans, il en était arrivé à désespérer d'être jamais heureux. Et voici qu'à côté de Louise Thibaudiére, c'était presque avec espoir qu'il osait regarder l'avenir.
Peu à peu, le cauchemar d'un passé aboli s'était dissipé. Aboli, en effet, car, quelques jours après son retour à Pont-l'Abbé, les rares journaux qui, alors, paraissaient à Paris, avaient publié la nouvelle qu'on va lire.
“Un double crime, disait-on dans ces feuilles, a été commis, le 12 Fructidor, à l'hôtellerie du Plat d'étain, dans la rue Saint-Martin, à Paris. Deux dames, arrivées de la veille en berline, venant probablement de Bretagne, en compagnie de deux étrangers, et de deux femmes de chambre, ont été
assassinées par ces étrangers, dans les appartements qu'elles occupaient au premier étage de l'hôtellerie.
“Dévalisées de leurs bijoux, et des sommes très importantes que renfermaient leurs bagages, les victimes de ce crime affreux ont été trouvées, étendues sur le parquet de leurs chambres, la gorge ouverte, et baignées dans leur sang. Le double assassinat n'a pu être constaté que bien tard, dans la matinée du 13. Les bandits avaient donc eu de longues heures, durant la nuit et la matinée du lendemain, pour s'éloigner de la capitale.
“Deux négresses martiniquaises, au service des dames assassinées, n'ont pu donner que des renseignements très vagues sur les assassins qui, d'après leurs souvenirs, seraient des Italiens venus de Milan à la suite des deux dames, à la fin de la dernière campagne dans le Milanais.
“Quant à l'identité des victimes, grâce aux déclarations très précieuses des servantes, elle a pu être immédiatement établie. Il s'agit de la mère et de la fille, Madame Dorlac, femme d'un intendant général de l'armée d'Italie, et Madame Barrois-Duchêne, mariée, depuis moins de deux ans, à un jeune et brillant officier de cavalerie.”
Par ordre supérieur, les noms des victimes n'avaient pas été imprimés en toutes lettres : les initiales seules avaient été livrées à la curiosité du public.
Cette nouvelle, qui fut continuée, un peu plus tard, par une communication officielle adressée à Lazare, lui fut pénible sans doute, après tant d'autres épreuves ; mais il n'en fut pas accablé.
La liberté lui était rendue, et il n'avait que vingt-cinq ans !
A présent, la vie allait être pour lui d'une douceur infinie, près de Louise Thibaudiére, et de sa bonne tante. Il se sentait comme revenu dans sa vraie famille. D'ailleurs, un changement s'était produit dans les habitudes de Louise, dans sa toilette surtout, et ce changement était complet. La pauvre enfant, elle venait à peine d'avoir vingt ans. Elle, dont la mise, avant le retour de Lazare, différait peu de celle de sa tante, avait retrouvé les grâces de la coquetterie de son âge, et l'éclat de sa jeunesse éblouissante, comme par miracle, avait reparu dans toute sa fraîcheur.
Les mois se succédèrent ainsi, très doux pour eux trois, dans cette existence toute familiale.
Et, sans avoir encore renouvelé les serments qui les liaient dans le passé, Lazare et Louise s'étaient retrouvés tout entiers, dans l'intimite de leurs cœurs.
A cette époque de campagnes lointaines, et de guerres presque sans trêve, les soldats, les officiers surtout, ne jouissaient pas de loisirs prolongés.
Ils partaient, pour revenir, et repartaient encore, les acteurs de cette épopée surhumaine, qui ne devait s'arrêter qu'à Waterloo.

Histoire d'un trésor à Pont L'Abbé, de Frédéric Le Guyader - Page 2 La_bat10

Alors le repos fut long, si long, que l'heure de la revanche n'est pas encore sonnée.
Au milieu de ces allées et venues, Lazare, cependant, trouva le temps, entre deux chevauchées, de réaliser le rêve de sa jeunesse ; il épousa Louise Thibaudiére.
Il faut le dire : le ménage était pauvre.
Rien n'était resté à Lazare de la fortune paternelle.
Durant les derniers mois qu'avaient passés à Pont-l'Abbé Aurore Dorlac, elle avait accumulé les dettes autour d'elle.
C'était elle qui, un jour, au milieu d'une orgie dans la maison de son mari absent, avait dit aux bandits dont elle avait fait ses amants, qu'elle se rappelait avoir vu ou cru voir Lazare Barrois refermer avec précaution une armoire dissimulée par une glace, au-dessus de la cheminée de la chambre à coucher. Ce mot avait suffi, et c'est à la suite de cette précieuse révélation, que les deux forbans qui, peu de semaines après, devaient assassiner la femme, dépouillèrent le mari, en démolissant brutalement la muraille où le père Barrois avait, de ses mains, pratiqué l'excavation mystérieuse.

(A suivre.)
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MessageSujet: Re: Histoire d'un trésor à Pont L'Abbé, de Frédéric Le Guyader   Histoire d'un trésor à Pont L'Abbé, de Frédéric Le Guyader - Page 2 Icon_minitimeDim 8 Juil - 18:28

Aurore Doriac, non contente d'avoir été la cause de la ruine de Lazare, semblait avoir voulu rendre complet le désastre, en empruntant, au nom de son mari, des sommes qu'il fallait rembourser.
Quand Lazare eut tout payé, il ne lui resta plus une obole.
Malgré ces catastrophes successives, Louise et lui, et la bonne tante aussi, se trouvaient plus qu'heureux, dans leur médiocrité.
Qu'importait la pauvreté ? Ils s'aimaient.


XIII

On se plait à dire que le hasard est pour beaucoup dans les événements, plus ou moins graves, de noire existence, et conduit les hommes et les choses au gré de sa fantaisie.
Or, on attribue au hasard des faits en quelque sorte inéluctables, ou, du moins, qui ont toutes les chances possibles de se produire. Dans cet ordre de faits se range la solution toute naturelle du mystère de Keravel.
Ce n'est pas, en effet un pur hasard qui amena, un jour, Lazare Barrois à interroger sa femme, et sa tante Clèro, sur les pénibles incidents qui avaient précédé la mort de son père.
Alors, l'une après l'autre, la tante et la nièce avaient pris la parole, rappelant, le plus discrètement possible, les phases douloureuses de l'étrange maladie qui, en moins d'une année, avait enlevé le père Barrois, qu'on aurait cru plein de vigueur encore.
Et, dans la naïveté de leurs cŒurs innocents, les deux excellentes femmes, pour la première fois depuis la réunion de Lazare et de Louise, racontèrent comment elles avaient confié à M. Barrois-Duchêne le secret du trésor de Kéravel.
A vrai dire, elles n'étaient pas bien sûres qu'il eut existé, ce trésor, puisque M. Barrois n'en avait trouvé nulle trace. D'ailleurs depuis bien longtemps, elles n'y pensaient plus.
Indifférentes à ces questions d'intérêt, qui absorbent le meilleur de nos facultés, c'est à peine si cette fortune de sept-cent-mille livres avait laissé un souvenir dans leur existence.
Interrogées par Lazare, elles rappelèrent donc comment les choses s'étaient passées.
D'abord, la lettre révélatrice qu'à son départ pour Paris M. Thibaudière avait conf ié à sa vieille servante pour son beau-frère Cléro ; puis, l'impossibilité matérielle, où elles s'étaient vues, d'agir par elles-mêmes ; car elles n'avaient pas pu songer à pénétrer, ni de nuit, ni de jour, dans le manoir abandonné de Kéravel ; et enfin la démarche faite par elles auprès du père de Lazare, pour lui demander de les conseiller, de les aider dans les recherches urgentes que commandait le testament de Thibaudière.
Quand elles en furent arrivées au récit d'une démarche qui témoignait, de leur part, une confiance absolue dans l'amitié, et surtout dans la probité de son père, Lazare fut terrifié. Il ne s'attendait à rien de pareil, dans la vie de son père : il eut plus que des soupçons ; il eut d'avance, avant d'avoir tout appris, la plus affreuse des certitudes.
Sans rien laisser voir de l'émotion qui l'étreignait, penché vers sa tante, et comme suspendu à ses lèvres, il la pressa de poursuivre.
“Continuez, ma tante, continuez, lui dit-il, que fit mon père, à la suite de vos instances près de lui ?
“- Mon Dieu, reprit la pauvre femme, tout se passa très simplement. Votre père nous promit d'agir immédiatement ; et, si mes souvenirs sont précis, dès la nuit suivante, il se rendit au manoir de Keravel.
Le lendemain, après une nuit de fatigue et d'insomnie sans doute, car nous ne le vîmes que tard dans la matinée, votre père vint au salon, et c'est avec une figure consternée qu'il nous dit n'avoir rien trouvé : l'excavation, si minutieusement décrite dans la lettre de M. Thibaudière, était vide.”
Jamais, Lazare Barrois, malgré une existence déjà pleine d'épreuves, n'avait tant souffert. Mais, sans s'arrêter aux mortelles angoisses qui l'agitaient, il voulait, il devait tout savoir.
“Eh bien, ma tante, reprit-il avec effort, parlez, je vous écoute. Rappelez tous vos souvenirs.
- “C'est à partir de ce jour fatal, continua Madame Cléro, que votre père changea ses habitudes, et, en même temps les nôtres. Son chagrin, sans doute, avait été tel, à la suite de ses recherches inutiles à Kéravel, qu'il devint taciturne, toujours renfermé dans sa maison, n'ouvrant à personne, même à nous. Et, bientôt, nous eûmes la douleur, de le savoir malade, et de nous voir repoussées par lui, quand nous demandâmes de lui prodiguer nos soins, et de le veiller.
“De quoi se nourrissait-il ? C'est ce que tout le monde se demandait ; car il ne sortait plus, et il n'avait d'autres provisions que les fruits et les légumes de son jardin.
Personne ne fut donc surpris, quand le bruit courut que le pauvre brave homme était devenu fou.
“Dans les dernières semaines avant sa mort, sa folie ne pouvait plus être mise en doute.
Car, toutes les nuits, du moins dans les nuits sombres, aux mêmes heures, le malheureux, enveloppé de la grande houppelande que vous lui connaissiez, sortait, en se dissimulant le plus possible.
“Dans ces promenades nocturnes, c'était toujours vers le manoir de Kéravel qu'il se dirigeait.


(A suivre.)
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MessageSujet: Re: Histoire d'un trésor à Pont L'Abbé, de Frédéric Le Guyader   Histoire d'un trésor à Pont L'Abbé, de Frédéric Le Guyader - Page 2 Icon_minitimeMar 10 Juil - 19:36

“Sa mort suivit de près ces étranges manifestations d'une folie inexplicable. Cette mort fut, pour lui, une délivrance, et pour nous peut-être aussi ; car, durant toute sa maladie, nous avons cruellement souffert, surtout de ne pouvoir rien faire pour lui.”
Comme la bonne tante achevait son récit, Lazarre Barrois s'était levé, très pâle, et, cette fois son émotion était visible. Lui, que l'angoisse étreignait tout-à-l'heure, il eut comme un soupir de joie et de soulagement.
Il voyait clair, à présent, dans la folie de son père. Malheureux père ! à l'heure de mourir, comme par miracle, son remords l'avait sauvé !


XIV

Lazare, dans la joie intérieure qui, chez lui, succédait à l'inexprimable angoisse de tout-à-l'heure, avait la vision, sans doute un peu confuse, des phases successives de la maladie de son père.
Avec une indulgence toute naturelle dans le cœur d'un fils, il se disait que, selon toutes probabilités, mis brusquement en face de richesses aussi considérables que celles enfouies à Keravel, son père avait été frappé d'une folie soudaine.
Cet état d'obsession, de déséquilibre mental avait duré une année, pendant laquelle, jour par jour, les forces physiques du septuagénaire avaient subi une dépression correspondante, d'autant plus qu'aux désordres cérébraux était venu s'ajouter le manque à peu près complet de nourriture.
Puis, un jour, par un de ces phénomènes toujours possibles dans les cas d'aliénation mentale les plus graves, une sorte de réveil de la conscience s'était produite.
Aux approches de la mort, un éclair de lucidité miraculeuse avait, pour quelques heures, pour quelques jours même, dissipé les ténèbres de sa folie.
Lucidité sans doute très limitée, puisque le malheureux vieillard, quoique saisi par le remords au moment où il s'était senti près de mourir, au lieu de restituer à la fille de Thibaudière la fortune qu'il avait criminellement détournée, et accaparée, s'était contenté de reporter le trésor à la place où il l'avait trouvé.
Là devait s'être réduit l'effort du vieillard repentant, dans le travail confus de sa conscience enténébrée.
Telles étaient les conclusions auxquelles s'arrêtait Lazare, au milieu des pensées rapides qui affluaient à son esprit, depuis les révélations de la tante Cléro.
Il s'agissait, à présent, de savoir si tout s'était passé réellement, comme il le présumait.
Rien n'était plus facile que de s'en assurer. Lazare n'eut pas un moment d'hésitation. “Venez, dit-il à sa femme et à sa tante, allons ensemble à Kéravel. Il y a assez longtemps que la fatalité enveloppe d'un mystère impénétrable la pauvre maison abandonnée. Aujourd'hui, j'espère rompre le charme : c'est assez de dix années de malheur immérité.”
Lazare, et ses deux compagnes, marchèrent délibérément vers le manoir de Kéravel.
Ils n'avaient pas besoin de l'obscurité de la nuit pour les protéger. C'est en plein jour, par une claire matinée du mois de Mai, qu'ils accomplirent, pour la première fois, après tant d'années écoulées, ce pèlerinage, dont le but était encore ignoré de Mme Cléro et de sa nièce. Le trésor des Thibaudière, elles étaient loin d 'y penser. Et Lazare se gardait bien de leur en parler, de peur de s'être trompe dans ses prévisions.
D'ailleurs, la visite qu'ils faisaient au manoir de Kéravel n'avait lieu d'étonner personne.
Par une heureuse coïncidence, l'héritage de Louise Thibaudière lui avait été rendu.
Le domaine de Keravel, depuis la mort tra gique de Bousquet, était resté sans propriétaire, et sans locataire aussi. C'était comme une succession vacante, que personne ne revendiquait.
Depuis longtemps, les hommes de loi du pays, avaient conseillé à Mlle Thibaudière de réclamer un domaine qui avait été considéré à tort comme un bien d'émigré, et vendu au profit de la nation.
Lazare s'était enfin rendu à leur avis, et ses relations personnelles avec le Premier Consul étaient telles que sa démarche eut un succès immédiat. Sa femme fut remise en possession de l'héritage paternel.
De plus en plus délabrée, l'antique demeure de Thibaudière menaçait ruine. Et, aux alentours, les terres, sans culture, avaient l'aspect navra nt des choses abandonnées.
Lazare, suivi de sa femme et de sa tante, pénétra dans l'intérieur du manoir ancestral. Tous les trois furent émus, beaucoup plus qu'ils ne s'y étaient attendus. Il n'y a pas comme la vue des choses, pour réveiller les souvenirs.
Il y avait là, dans ces sombres murailles, qu'on ne pouvait considérer sans un frisson, tant de souvenirs, cruels pour chacun d'eux !
Louise Thibaudière ne put retenir ses larmes, en pensant, dans cette maison témoin de son enfance, à son malheureux père, massacré, déchiré par les bêtes féroces du 3 Septembre 1792. La pauvre Mme Cléro ne pouvait oublier que c'était là, dans la cuisine sanglante de Kéravel, que son mari, au milieu de circonstances restées mystérieuses, avait été saisi d'une telle épouvante, qu' il en était mort quelques jours après.
Quant à Lazare, en marchant vers l'excavation, toujours fermée de ses deux dalles, et qui ne semblait pas avoir été touchée depuis le jour où Thibaudière y avait déposé toute sa fortune, il savait bien que tous les malheurs de son père, sa folie, et sa mort, venaient de là.
En quelques minutes, il enleva les deux pierres.
Penché sur l'ouverture béante, il regarda.
Le trésor de Thibaudière était là, tout entier.
Se relevant avec un cri de joie : “Voyez, dit-il à sa femme et à sa tante, en leur montrant les trente-trois sacoches, rangées dans l'ordre où les avait trouvées le père Barrois, Dieu nous rend la fortune, et l'honneur”.

Fin.

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