Un ouvrage à lire, une famille de Brasparts à découvrir (ou à redécouvrir, pour les plus anciens). Ce livre de
Marie-Noëlle Postic, Sur les traces perdues d’une famille juive en Bretagne, Coop Breizh, 2007,
vient d'être réédité.
Voici l'article de présentation de Ouest-France du 9 juillet 2007 de Daniel MORVAN: "Avant 1940, de nombreux médecins roumains pouvaient exercer en France grâce à un privilège exceptionnel datant du Second Empire. Fuyant les pogroms antisémites, ils s'installèrent le plus souvent en milieu rural pour compenser le manque de médecins. c'est ainsi que le docteur Ihil Perper, de la région d'Odessa, s'installe dans le Finistère. Marie-Noëlle Postic, chercheuse au CNRS, s'est attachée à cette famille, et a bien voulu en retracer l'itinéraire.
Ihil Perper a commencé par ouvrir un cabinet à Brasparts en 1935. À partir de 1940, tout bascule. les médecins juifs sont interdits d'exercice. Le médecin reçoit par dérogation l'autorisation de travailler dans des conditions précaires à Plounéour-Menez. Il bénéficie du soutien de la population qui facilite ses déplacements (les Juifs n'ont pas le droits de posséder une bicyclette. le 9 octobre 1942, la famille est arrêtée. l'un des deux gendarmes chargés de la sinistre besogne, est le père d'un jeune résistant qui aura vainement tenté de sauver les Perper en se lançant à leur rencontre à bicyclette, le même 9 octobre. le livre suit les étapes tragiques: le terrible hiver 1942 au camp de Drancy, puis l'arrivée au camp de Sobibor le jeudi 25 mars 1943. Marie-Noëlle Postic s'appuie intelligemment sur la littérature, qui permet de raconter ce qu'a pu vivre la famille Perper, à travers les témoignages de Robert Antelme, de Primo Levy;, d'Imre Kertesz, de Charlotte Delbo, ou encore les travaux de Jorge Semprun et de Pierre Pachet.
La dernière partie du livre est consacrée au mutisme qui, à la Libération, entoura le sort des 150 Juifs finistériens. Seuls échappent à l'amnésie orchestrée" les plus connus, le poète Max Jacob, le résistant martyr Albert Rotschild et l'ancien combattant Gourfinkel. " Les années qui suivent scelleront cet oubli en forme de déni en Bretagne, mais plus généralement en France et en Europe." Désormais, grâce à Marie-Noëlle Postic, une commune des Monts-d'Arrée se souvient de son médecin et de sa famille déportée."
Cet effort de mémoire a été pousuivi par
Julien Simon, acteur et écrivain, et
Marie Dault, vidéaste, qui, avec la participation de
Marie Noëlle Postic, la cinémathèque de Bretagne, l'association Leur ar C'Horneg, nous ont offert une conférence-témoignages particulièrement poignante. Qu'ils en soient remerciés et félicités pour cette volonté “d'arracher à l'oubli la mémoire de cette famille”, de la “ramener dans l'humanité...”
Une salle comble, certes, mais certains n'ont pu se déplacer. Alors, voici quelques éléments, qui pourront les aider à connaître Ihil et Sonia Perper, leurs trois enfants, et leur donneront l'envie d'en savoir plus en lisant le livre de Marie Noëlle Postic.
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Ihil Perper, fils de Haim et Sara, est né le 25 décembre 1908 à Akkerman (Ceteata Alba) en Bessarabie. Il arrive en France à l’âge de 19 ans et s’inscrit en Médecine à Nancy en 1929. C’est là qu’il soutient sa thèse de doctorat en janvier 1935 comme son épouse Sonia Kaltniskaya qui est pharmacienne.
Sonia Perper nee Kalnitskaya (fille de Iser et Lubov) est née le 5 août 1912. Pharmacienne, elle a suivi ses études à Nancy.
Rosine Perper, fille de Ihil et Sonia, est née à Bajramcea (Balansia) le 19 décembre 1932
Odette Perper, dille de Ihil et Sonia, est née à Brest le 20 mai 1937.
Paul Perper, fils de Ihil et Sonia, est né à Plounéour Menez le 18 juin1942.
La famille Perper fit partie du convoi 53 qui quitta le camp de Drancy, où elle était internée, le 25 mars 1943 pour le camp d'extermination de Sobibor. Tous périrent en chambre à gaz.
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Article du Télégramme du 2 avril 2009“1935: Ihil Perper, 27 ans, son épouse Sonia, 23ans, et Rosine, leur fillette de trois ans, s'installent à Brasparts. Juifs, originaires de Bessarabie (actuelle Ukraine), ils ont fait leurs études à Nancy: de médecine pour lui, de pharmacie pour elle. Le Dr Perper a lu dans la presse spécialisée qu'on recherchait un médecin à Brasparts. En s'y établissant avec sa famille, il devient le premier praticien à exercer dans la commune des monts d'Arrée. La famille s'agrandit: Odette naît à Brest, en 1937, puis Paul, à Plounéour-Ménez, en 1942.
Médecins étrangers interdits
Lorsque le benjamin voit le jour, tout a déjà basculé. Deux ans plus tôt, le gouvernement de Vichy a interdit aux médecins étrangers d'exercer en France. De dérogations en dérogations, le Dr Perper continue quand même à prodiguer ses soins dans une zone allant de Briec-de-l'Odet à Morlaix. Octobre1942: répondant dans l'heure à un ordre de la Kommandantur, deux gendarmes français de Pleyber-Christ s'emparent de la famille Perper, à Plounéour-Ménez. C'est ce qu'on appellera «la seconde rafle de Bretagne». Après une nuit d'incarcération à la gendarmerie de Morlaix, le couple et ses trois enfants sont dirigés sur Rennes puis Drancy, où ils restent six mois. 25 Mars1943: ils sont déportés au camp d'extermination de Sobibor, en Pologne, où ils sont «assassinés», pour reprendre le mot de Julien Simon. Une chape d'oubli tombe alors sur leur existence”.
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Commentaire“ Le destin de cette famille a été retracé par Marie-Noëlle Postic dans un ouvrage sensible sur un sujet rarement traité pour le Finistère, département pour lequel on estime à 46 le nombre de déportés juifs suite à une arrestation”.
Présentation du livre par les éditions Coop Breizh“Un travail de micro-histoire qu'il faut saluer à double titre : d'une part, et parce qu'il n'a concerné que (relativement) peu de victimes, le sujet n'est pas assez connu en Bretagne.
D'autre part, alors que tout ou presque a été écrit sur la persécution des juifs, reste encore désormais à faire revivre ces parcours isolés de familles fauchées par la barbarie.
Les Perper auraient pu être heureux dans ce Finistère où ils se réfugièrent dès 1935, lui comme médecin, elle donnant naissance là à deux enfants. Mais ils devront fuir à Pleyben, à Brasparts, avant d'être arrêtés par la gendarmerie à Plonéour-Ménez.
Des bribes qu'elle a pu récolter, l'auteur reconstitue le puzzle de leur vie, et l'implacable système qui via Drancy les conduira aux camps de la mort.
Un salutaire exercice de mémoire.”
Coop Breizh
Sources:
“ Le Memorial de la deportation des juifs de France”, Beate et Serge Klarsfeld, Paris 1978.
Photos extraites des Actes de Témoignage rédigés par Ber Kalnitsky, frère de Sonia, survivant de la Shoah, le 24 mai 1999.