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 Le pillaouer de Loqueffret

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AuteurMessage
Patrice Ciréfice
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Patrice Ciréfice


Nombre de messages : 3411
Localisation : Brasparts
Date d'inscription : 09/02/2009

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MessageSujet: Le pillaouer de Loqueffret   Le pillaouer de Loqueffret Icon_minitimeSam 12 Juin - 12:33

C'était au temps très lointain, quand la Basse-Bretagne était à peu près couverte de forêts, dépourvues de routes, ce qui entravait les communications et les échanges d'une contrée à l'autre.

Cependant, les pillaouers existaient déjà, et régulièrement dévalaient des sommets de l'Arrée, fouillant le pays de Crozon à Callac, de Roscoff à Hennebont.

Véig Richou était un de ces trotteurs. Fils de pillaouer, il était né là-haut, sur le versant sud de la crête des monts, au rude pays de Loqueffret, où, suivant un dicton cornouaillais, le diable mourut de froid:

E Loqueffret eo maro
An diaoul gant an anouet.

Dans les campagnes, l'on se souvenait, de père en fils, de le voir passer, une fois l'an, sa tournée l'emmenant d'une mer à l'autre, par-dessus les deux chaînes de montagnes.
C'était un pauvre hère, misérable au possible. Le métier, il faut croire, nourrissait mal son homme. Sa carriole, tenant par la force de l'habitude, était tirée par « Lutine », un bidet tacheté et panard, d'aspect aussi miteux que son maître. On l'entendait venir de loin, grâce au bruit caractéristique des essieux mal graissés qui faisaient continuellement: « wig, woeg ».

Véig Richou était connu de tout le monde, partout on lui réservait un acceil convenable; car chez nous, l'on est hospitalier pour les mendiants et Véig en était un, tout juste déguisé. Quand il lui arrivait d'élargir sa tournée, et lorsque pour la première fois, il entrait dans un village, il se faisait connaître en psalmodiant son éternel refrain: « Pilloù évit bolennoù ». Cela suffisait pour lui donner une nouvelle pratique.

Et puis, Véig apportait les nouvelles des habitants des paroisses voisines, renouvelait les provisions de bonnes histoires, animait la veillée de contes et de légendes qui amusaient les anciens, faisaient rougir les femmes et frissonner les enfants. Véig était « un trait d'union entre les villages perdus dans la campagne, les gens et les paroisses lointaines, les fermes, les moulins. »

Chaque soir, à la dernière maison visitée, les fermiers lui ouvraient la porte de la grange, et Véig passait la nuit dans le foin odorant ou sur des sacs de blé ou de farine, au-dessus de l'étable ou de la crèche, après avoir participé à la soupe commune et « plongé sa cuiller de bois dans la chaudronnée de bouillie d'avoine ».

Le lendemain à l'aube, Véig repartait sur sa vieille carriole; le chemin était bon ou mauvais, le temps était ce qu'il était, mais Véig en avait l'habitude et ne s'en souciait pas. Son seul souci était les loups de la Montagne d'Arrée qu'il traversait en prenant grand soin de conserver à sa vue la chapelle de Saint-Michel-de-Brasparz, juchée sur sa butte, que les gens imploraient:

« Sant Mikel vraz a oa an tu
D'ampich youhal ar bleizi du »

Le pillaouer de Loqueffret File0207

Quand Lutine commençait à peiner sous son faix, notre homme s'acheminait vers ses « dépôts » de Kastel-Paol, de Guingamp ou de Quimper. Là se faisait l'échange pilloù-bolennoù.Si les chiffons étaient en plus-value de la vaisselle, quelques écus, voire quelques louis rentraient dans la poche du pillaouer, ce qui lui permettait d'améliorer son ordinaire par l'acquisition de tabac, de pain frais, de lard fumé que le vin ou l'eau-de-vie aidaient à « descendre ».

*
**

Véig Richou arrivait quand on y pensait le moins, tantôt le jour, tantôt la nuit, car il n'avait ni horaire, ni itinéraire; sa fantaisie seule décidait de ses tournées.
Les enfants n'étaient qu'à demi-rassurés par sa présence, car Véig ne se mettait guère en frais de toilette et leur inspirait une certaine crainte.

Son âge était indéterminé. Une longue barbe, depuis toujours blanche mangeait sa figure où brillaient deux petits yeux noirs très mobiles; son nez en bec d'aigle et sa bouche édentée, l'enlaidissaient encore davantage si cela eut été possible.
Grand, voûté, coiffé du large chapeau rond, vêtu du chupenn et du traditionnel bragoù-braz, avec des sabots bien bourrés de paille fraîche, tel se présentait le pillaouer qui, malgré son aspect rébarbatif, gagnait à être mieux connu, ce n'était pas un méchant homme.
On l'entendait venir de loin, chantant la fameuse chanson du pillaouer:

Va zad en deus va dimezet
Gant eur fleriuz pillaouer
E Loqueffret ez eo ganet
E Komanant Toul-al-Laer

Foei, foei, foei,
Va zammig aotrou
Gand e stoup e billou


Tri devez goude va eured
En em gav foar Landerne
Ha ma lapous prim dihunet
A zaill'mez deus e wele

Drailla ra eun hanter pater,
Tana ra e gorn butun
Tapoud a ra e grog pouezer
Evid mond war hent Sizun

Pa oa hanter noz sonet
En iliz vraz ar Fouille
Me oa intanvez glac'haret
Va-unan'bars va gwele

Kavet en doa kamaladed
En eur vond da billaoua
E oll arc'hant en doa foetet
Ha tamm pillou' bet n'en doa

Pa 'za Yannig d'ar pardoniou
Atao a vez mezo-dall
Prest e oa da goll e vragou
E Loqueffret an deiz all

Pa zeuio ar c'hriz er vro-mañ
Da derri an dimeziou
Me a yelo en eur gana
Pell diouz paotred ar pillou

Pour oublier sa misère et chasser son ennui, il agrémentait sa triste condition, les dimanches, dans les petites auberges qui jalonnaient sa route. Alors, émoustillé, perdu dans les vapeurs d'alcool, il chantonnait:

Soizig a oa eur fleurenn
Hag e doa daoulagad kaër
Re vrao evit eur pillaouer.

Dans ses confidences, il racontait que, délaissé par sa jolie épouse, il en avait conçu une amertume qui lui laissait au coeur une plaie inguérissable. C'est peut-être la raison pour laquelle il cherchait l'oubli de ses maux dans la boisson et négligeait peu à peu ses devoirs de chrétien pour une conduite blamable.

*
**

Mais, à cette époque, malgré la dure existence, l'on vivait vieux. Vieux aussi était Véig Richou qui, malgré ses tribulations, ne manifestait aucune hâte de rejoindre ses ancêtres.

Mais là-bas, dans l'enfer, « Potr-Ru » se plaignait ferme de cet état de choses: ses entrées en Basse-Bretagne diminuaient, ce qui commençait à l'inquiéter, comme bien vous pensez. Depuis longtemps, il cherchait vainement un représentant chez nous, un pourvoyeur, un rabatteur, dirait-on aujourd'hui. Saint Pierre aussi avait remarqué que la Basse-Bretagne ne fournissait plus son contingent habituel au céleste séjour.

Tous deux s'en référèrent au Père Eternel qui les dépêcha sur terre pour régler l'affaire.
Un dimanche, Il leur ordonna donc de se rendre sur terre. Ils arrivèrent à la brune, au pied du Roc'h trevezel où ils trouvèrent Lutine à demi-écrasé sous sa charge et Véig Richou, aux trois-quarts mort de désespoir.

Le pauvre pillaouer venant de Kastel-Pol avait voulu revoir une dernière fois Loqueffret et y mourir; mais la carriole, trop lourde, était restée en panne au haut de la montée et Véig, fatigué par le poids des ans autant que par les trcas d'une existence tourmentée, rendit l'âme devant les deux délégués.

Déjà, Potr-Ru voulait s'en emparer.
« J'attends depuis longtemps ce vieux fripon. Sa place est retenue chez moi. »
Mais Saint Pierre intervint.
« Voici les balances, dit-il. Je sais que cette âme n'est pas sans tache, mais elle mérite quand même d'être évaluée avec équité. »
On pesa donc l'âme du pillaouer. Mais chose extraordinaire, on remarqua qu'elle n'était pas assez noire, assez lourde pour descendre, assez blanche, ni assez pure pour monter.
Comment faire?

Nos deux émissaires convinrent alors, que Véig Richou resterait indéfiniment sur terre, puisque le purgatoire n'existait pas encore. Pour lui apprendre cette bonne nouvelle, d'un commun accord, on le ressuscita et on le pria de reprendre son ancien métier de pillaouer. Mais, à leur grande stupéfaction, Véig refusa net.

Pour concilier ses bonnes grâces, Potr-Ru sollicita ses services, Saint Pierre aussi.
« Que me faudra-t-il donc faire dans mon nouvel état? Ne comptez surtout pas sur moi pour être facteur, sous prétexte que je connais le pays, je suis rhumatisant. Je ne ferai pas davantage un soldat, un marin ou un fonctionnaire, je ne veux aucun assujettissement. »
« Bon, bon, vous travaillerez pour nous deux. Depuis longtemps nous désirons un commis-voyageur en Basse-Bretagne où notre clientèle est fortement en baisse. »
« Mais je n 'ai pas d'outils. »

On fouilla la carriole où parmi les chiffons et la ferraille, on découvrit un marteau que Véig refusa, n'étant pas forgeron, une charrue qu'il rejeta, n'étant pas laboureur. Restait une vieille faux toute rouillée, mais dont le tranchant était encore bon. Il l'accepta afin de nêtre pas un éternel oisif sur cette terre. Pour éviter des frais d'installation, on lui laissa sa vieille carriole et Lutine. Véig était devenu l'Ankou de la Basse-Bretagne et se mit immédiatement à l'ouvrage.

Le pillaouer de Loqueffret Imgp0934

Il passa d'abord au Mougau, à Kerbruc, pui à Ty-Kroaz, à Ty-Nevez, à kerriou et à Kergréac'h.
Cependant, sa mort n'étant pas ébruitée, on s'étonnait, un peu partout, de ne plus voir le vieux chiffonnier. Mais très vite, on comprit qu'il avait changé de métier et qu'il rôdait maintenant de préférence la nuit, où il arrivait, comme autrefois, quand on ne le demandait pas, fauchant, fauchant, tantôt pour Saint Pierre, tantôt pour Potr-Ru.
Et l'on raconte que l'on entendait parfois la chanson du pillaouer accompagnant le visiteur nocturne:

Pa zeuio karrig an Ankou
D'ober e-dro er vro-mañ
Me a gerzo war e roudou
Hag en pedo d'her samma

P'en devo an Ankou bountet
En toull va c'hoz pillaouer
Me ziredo en eur gana
Da gomanant Toul-al-Laer

Komzet vo d'an Aotrou Person
Deus ar flerius pillaouer
'vid ma kano al Liberon
Hag ouspenn son al Lonker

Ceux-ci étaient désormais assurés d'être servis par un représentant jamais en chômage.
Si, cheminant de nuit, sur les routes de Basse-Bretagne, vous entendez le « wig-woeg » d'une carriole tirée par un bidet tacheté, garez-vous, attendez. C'est Véig Richou qui passe. De sa faux rouillée il tranche aveuglément les épis verts comme les épis mûrs, les jeunes comme les vieux:
D'ar beb oad
E vez discaret ar hoat.


Sources: R Trellu, Contes et récits des Montagnes d'Arrée
Jean Yves Kerhoas , pour ses documents concernant les pillaouerien et la chanson du chiffonnier, et Yeun Amisse qui nous l'a si bien interprété lors de la randonnée chantée de «Bourg en fête»
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Patrice Ciréfice
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Patrice Ciréfice


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MessageSujet: Re: Le pillaouer de Loqueffret   Le pillaouer de Loqueffret Icon_minitimeJeu 12 Aoû - 18:50

Pour le plaisir, voici une seconde version, très proche de celle donnée dans le récit, de la chanson "an pillaouer" (version de 1887):

Marivonig zo dimezet
Gant eur c'hoz tamm pillaouer; (bis)
E Loqueffret e zeo ganet
E komânant Toull-al-Laër

Antronoz devez an eured
E zoa foar e Landerne (bis)
Ha va lapous, prim dihunet,
Dao er mez eus e vele.

Drailla ra eun hanter pater,
Tâna ra e gorn butun (bis)
Hag en hent gant e grog pouezer,
Da bourmen hed ar sizun

Hed ar bloas, ken kouls lavaret,
E vez ato o redet bro, (bis)
Hag e lez e c'hreg glac'haret,
Er gêr da skuilla daelo.

Pa vez echuet e drouiou,
Teu d'ar gêr ato met d'all; (bis)
D'arb'oa dezan koll e vragou,
E Landerne en deiz all.

Pa deuio lezen er vro-man,
Da derri an eureujou, (bis)
Mônik a zai, en eur gâna,
Goall pell deus pôtr ar pillou.

Pa deui karrik an ankou
D'ober trouz dre ar vro-man, (bis)
Mônik a zai var e roudou,
Hag er pedo d'he zâmma.

Pa vo maro he zamm Otrou,
Ha lipet gantan e loa, (bis)
Mônik, e lec'h lezer klemmou
A gâno: "D'an toull e za".

Le refrain, quant à lui, est identique.
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